Ridicule est une œuvre fascinante, où l'élégance de l'écriture et la justesse du jeu d'acteurs confèrent au film une intelligence rare. Les dialogues, ciselés et brillants, portent une intrigue dont la subtilité dépasse la simple satire : derrière les joutes verbales pleines d'esprit se dessine une réflexion plus profonde sur le pouvoir de la parole, sur ses injustices et sur l'exclusion de ceux qui en sont dépourvus.
Cette opposition entre les salons où la réplique tue et le monde des sourds-muets, réduits au silence - démunis face au monde versaillais - donne au film une dimension critique particulièrement forte. Elle souligne l'absurdité d'une société qui érige l'esprit en instrument de domination tandis qu'elle ignore eux qui n'ont littéralement pas de voix. Le final, où le protagoniste est à son tour humilié et réduit au silence, parachève ce message : dans un monde gouverné par le verbe, chacun est tôt ou tard condamné au ridicule.
Toutefois, l'immersion dans Versailles reste limitée. On regrette de ne pas apercevoir la façade du château de Louis XIV - on ne l'aperçoit que brièvement dans une scène du jardin, ce qui atténue la puissance visuelle et symbolique du lieu. De même, certains choix de casting, notamment pour le couple royal - que l'on ne voit jamais ensemble - paraissent discutables. Le Roi qui nous est montré est très loin du véritable Louis XVI d'1m93 ayant un intérêt débordant pour les nouvelles technologies. Et il serait impossible de reconnaître la Marie-Antoinette du film si elle n'y était pas présentait comme la Reine. L'absence de personnages, pourtant mentionnés, comme le comte d'Artois ou la princesse de Lamballe, n'aide pas à rendre l'immersion tangible.
Ces réserves n'enlèvent rien à la force narrative et à la critique social du film, mais elles réduisent un peu la richesse esthétique et l'ampleur historique qu'on pouvait en attendre.