Navrant et édifiant, ce film est probablement trop lent et long, peu dense en terme de déballages d'intrigues, mais il m'a pris par les sentiments avec son crooner bedonnant. Le voir aguicher des grabataires, engager de petites foulées plombées par l'arthrose naissante, les blancs alcooliques et les micro-AVC, errer ringard, plein et fier en dépit de la froideur alentours... il est le tonton bourré ou increvable déchet notoire que j'aime et veux aimer ! C'est une ordure narcissique (probablement auteur d'une ignominie indicible avant la conclusion) mais un type réellement débonnaire, sincère dans toutes les niaiseries et cajoleries qu'il peut balancer – tout comme il est investi dans sa chanson – certainement ridicule, mais c'est son art.
Deuxième élément crucial pour m'emporter : Rimini montre la réalité. Il en exhibe une particulière, carrément pornographique avec ses quasi-vieux en postures érotiques. C'est grotesque et dispensable, mais c'est ici que germeront le plus de nuances et de douceur. Puis il affiche une réalité générale, celle d'une Europe déjà sortie de l'Histoire et devenue le théâtre de variétés d'aliénés. Une cité fantôme avec migrants amorphes attendant mieux (en général, un meilleur endroit où stationner) et boomers déconfits profitant de la vie en attendant la mort, tandis que l'enfance est absente (Italie oblige) et les rares jeunes sans le moindre bel élan vital ; voilà l'Europe. Montrer cette réalité rend pas génial le film (quoique la séance...), mais au moins ce style terre-à-terre sert à 'prendre des nouvelles' bien chargées de concret et de problématiques pénibles mais insistantes, non à servir des couillonneries mielleuses ou futiles comme les écrans surtout petits en regorgent ; il faut imaginer nos vieux contempler des films dans ce goût au lieu de tirer le robinet à séries policières et fictions à la gloire du vivre-ensemble ; le climat médiatique et les perceptions consensuelles de notre classe d'âge décisionnaire seraient déjà moins absurdes.
Pour autant ce n'est pas un documentaire et la ville de Rimini est présentée sous un jour gris, laid et répugnant, éloigné de la majeure partie de sa réalité, mais fidèle à ce que peut être une zone touristique hors-saison, grignotée par une clientèle et des passants à la dérive. Le tableau est gras et satirique, mais l'humour cruel de la trilogie du Paradis [du réalisateur Seidl] s'estompe, le voisinage avec Solondz (Storytelling, Bienvenue dans l'âge ingrat) aussi. L'empathie et la tristesse l'emportent, la deuxième séquence avec la femme chargée de sa mère dans les circonstances les plus naturellement gênantes devient émouvante alors que tout était sordide et dérisoire. Puis c'est la tragédie et le film d'horreur, pour nos anti-héros blafards – toujours sous la lumière crue et sans violence directe. Il faut avaler le malaise et finalement, on accède au pathos crû et nu.
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