Ben Russell, à qui l'on doit, entre autres, «Let Each One Go Where He May» et «Back And White Trypps», revient avec «River Rites», un essai documentaire encore une fois tourné au Surinam dont l’idée d’ensemble se résume à dix minutes de délicatesse et de magie au bord d’un cours d’eau où l’on aperçoit des villageois à l’état le plus naturel. Brève intrusion dans leur quotidien, le film est tourné en plan-séquence par le biais duquel le réalisateur nous livre des images d’une simplicité audacieuse.

Le tout commence par un plan d’ensemble d’une rivière qui coule, puis, grâce à un panoramique bien choisi, notre attention est dirigée vers des enfants assis que l’on voit discuter sans comprendre ce qu’ils disent. Soudain, un travelling nous fait voyager dans l’espace-temps des personnages jusqu’à arriver au bord de l’eau. À cet instant précis se révèle à nos yeux de spectateurs une brillante astuce cinématographique que seule l’eau et les déplacements des individus auront su démasquer : le court métrage est projeté en sens inverse.

Commence alors une musique aux allures «trans» qui vient rythmer les plongeons des enfants dans la rivière; Je vous avouerai que le terme «plongeon» n’est point représentatif de la scène étant donné que nous les voyons surgir de l’eau. Quel étrange sentiment de voir une action si simple sous un angle différent! Les gouttes d’eau qui, habituellement surgiraient au contact d’une masse avec le liquide, se retrouvent suspendu en l’air avant de se faire aspirer par l’écume qui se forme à sa surface avant de laisser sortir les corps des mioches. Splendide!

La musique s’arrête et le retour de l’ambiance de fond (chant d’oiseaux, ruissellement de l’eau, les enfants qui parlent au loin) coïncide avec un autre travelling qui nous ramène à la berge sur laquelle nous apercevons en plan demi-ensemble un jeune homme debout qui «semble» être en train de défaire un filet de pêche.

La scène s’achève sur le même plan présenté au tout début : une rivière qui coule. Face à une telle image, une question inévitable nous interpelle : est ce vraiment une rivière qui coule finalement?

La beauté de cette séquence tristement trop courte naît du fait que le cinéaste réussit intelligemment à nous confondre grâce à des mouvements de caméra d’une fluidité exemplaire et à un truc cinématographique aussi vieux que le 7ème Art.

Un court-métrage à marquer dans les annales. À voir et à revoir.
Mo_Im-Scha
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le 9 mars 2015

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