Prends garde, jeune padawan : cette critique dévoile quasiment tous les éléments d'une intrigue qui n'a, certes, aucun intérêt.
Nous voilà enfin plongés dans l'ère post-crise du blockbuster hollywoodien. Après s'être recroquevillés pendant une dizaine d'années dans une posture de suites, remakes et reboots à n'en plus finir, les studios embarquent à bord d'une nouvelle tendance. Attention, il est toujours hors de question de s'éloigner un tant soit peu des franchises pré-établies, mais la prise de risque fait un timide retour : le temps des spin-off est arrivé !
Disney a vu venir le tournant, et a intégré l'idée à sa stratégie de rouleau compresseur commercial pour la résurrection en grandes pompes de son acquisition de 2012, une certaine saga qui parle de guerre et d'étoiles. Seulement voilà : la prise de risque, pour ce premier opus hors-trilogie, est rigoureusement égale à zéro.
C'est tout de même particulièrement rageant, pour une épopée de science-fiction à l'univers virtuellement infini : chaque volume a la possibilité de nous emporter si loin, de nous faire voir des choses si neuves, si variées. Et pourtant, on a sous les yeux un film esclave de ses prédecesseurs.
Chaque pixel de chaque image de Rogue One est dicté par des règles imaginaires, canonisées par l'adoration névrotique vouée aux Star Wars d'antan : l'histoire doit être centrée sur un(e) jeune protagoniste aux parents disparus, sur une planète isolée, rejoignant à reculons une résistance contre une puissance intregalactique maléfique. Tout droïde se trouvant dans un vaisseau en difficulté s'empresse d'indiquer au pilote cynique que la probabilité d'échec est très élevée. On entend les stormtroopers discuter de choses banales lors des scènes d'infiltration. Et ainsi de suite, ad nauseam. Sous couvert d'exaltation de l'esprit révolutionnaire, Rogue One s'adonne en fait sans complexes à un fascisme narratif digne de l'Empire.
Summum de cette obsession pour la loyauté aux originaux, les re-créations, entièrement en images de synthèse, de Tarkin et Leia. La prouesse technique, telle l'Étoile Noire, est aussi impressionnante que terrifiante : sommes-nous entrés dans une ère si servile aux TOC des fans que dévier, même d'un pixel, des personnages originaux est une trahison ? L'entreprise est tragi-comique : Disney a tout de même dû dénicher deux acteurs si ressemblants à Peter Cushing et Carrie Fisher qu'ils auraient parfaitement fait l'affaire avec un peu de maquillage, plutôt que des millions dépensés en performance capture et modèles 3D.
Même la dévotion sans faille du film à ses ancêtres ne justifie ni les batailles interminables et inintéressantes, ni les dialogues explicatifs pesant huit cents kilos, ni la ridicule première apparition de Dark Vador. Peut-être, après tout, que le but de cette entrée dans la saga était de faire passer Le Réveil de la Force pour un film neuf, risqué et ambitieux, par comparaison. Sur ce plan-là, c'est réussi.