Roma
7.1
Roma

Film de Alfonso Cuarón (2018)

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ROMA (Afonso Cuaron, MEX, 2018, 135min) :

Roma émeut en réinventant des souvenirs d’enfance personnels du réalisateur, et subjugue par l’évocation de Mexico City au début des seventies. Ce sublime drame familial, pensé intimement pour l’expérience en salles, devient officiellement donc le premier chef-d’œuvre Netflix !

Alfonso Cuaron nous livre une superbe chronique du quotidien au sein d’une maison bourgeoise située dans le quartier chic de Roma, à travers des portraits féminins dans un Mexique mouvant du début des années 70, et suit plus particulièrement le destin de Cleo, bonne à tout faire timide de la grande demeure. Le réalisateur offre une somptueuse mise en scène, précise, avec des plans séquences sensationnels en 65mm CinémaScope, qui offrent une profondeur de champs et des panoramiques à couper le souffle. Sa caméra, comme en lévitation, utilise sa fluidité impressionnante pour dévoiler avec grâce un magnifique récit bienveillant. Une merveille de long métrage où chaque séquence prend le temps de mesurer chaque vibration avec subtilité. Une plongée immersive où chaque décor, pièces et objets de la maison sont autant de détails mémoriels évocateurs, d’authentiques souvenirs d’enfance autobiographiques de l’auteur, qu’autant de fragments émouvants qui investissent l’intrigue des pensées secrètes de Cleo, femme de l’ombre et âme du foyer, mis en lumière avec amor…

La trajectoire narrative se dévoile de façon contemplative, dont les soubresauts conjugaux et maternels, tremblements terrestres, feu de forêt ou désordres révolutionnaires extérieurs développent insidieusement dans notre cerveau de multiples couches structurelles affectives, pour petit à petit, mieux nous renverser d’émotions en suivant ces destins ordinaires. Loin de l’innocence enfantine, dans ce monde où les figures paternelles sont absentes, l’auteur nous ouvre avec pudeur et sincérité la porte de son intime et de sa construction psychologique, en livrant une véritable ode aux femmes de sa jeunesse, et une superbe déclaration d’amour au 7ème art.
Un long métrage intemporel qui évoque Amarcord (1974) de Federico Fellini par la thématique des souvenirs d’enfance, et les pépites néoréalistes du cinéma italien.

Un somptueux long métrage immergé par l’élément aquatique source de vie et de liens, sublimé par des visions poétiques émouvantes, et imprégné de manière fascinante par le pouvoir inégalable du cinématographe. En effet, chaque plan, chaque séquence sont emplis d’une foi cinématographique peu commune. La scène introductive présente un splendide miroir révélateur par le biais d’un balai qui offre un ballet gracieux du flux et du reflux d’une eau savonneuse, et fait décoller notre pensée dans une cour intérieur d’immeuble, où habituellement l’âme semble vague. Une ambitieuse œuvre virtuose dont la narration enivrante et intime, drapée dans une somptueuse photographie en noir et blanc, envoûte peu à peu le spectateur à mesure que l’intrigue se déploie devant nos yeux ébaubis. Nos oreilles ne sont pas en reste, tant le travail minutieux sur le son s’avère d’une force immersive impressionnante tout au long de la trajectoire élévatrice de Cleo, héroïne du quotidien (incarnée avec grâce par l’émouvante Yalitza Aparicio). Cette œuvre charnière dans la filmographie du cinéaste donne une ampleur et une cohérence supplémentaire à toute l’œuvre du magicien de l’image Alfonso Cuaron.

Le réalisateur dévoile avec maestria, à travers Roma, l’un de ses films les plus intimes, une symphonie de résilience visuellement éblouissante, hypnotique et touchante. Nostalgique. Puissant. Émouvant. Universel. Un chef-d’œuvre, comme une offrande de cinéma !

seb2046
9
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le 15 déc. 2023

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seb2046

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