Quatre ans après le triomphe de Trois Hommes et Un Couffin et un détour par les USA ou elle devait en réaliser le remake avant de jeter l'éponge, Coline Serreau revenait sur les écrans français en 1989 avec Romuald et Juliette, un film qu'elle écrit dans un soucis de livrer une histoire d'amour faisant fi des classes sociales, des différences culturelles et des couleurs de peau. Si les premiers instants du film ne laissent rien entrevoir de formidable, le film parvient largement à s'imposer sur la longueur pour aboutir à une formidable et assez jubilatoire romance doublée d'un sincère plaidoyer à l'amour plus fort les préjugés.


Romuald et Juliette raconte l'histoire de Juliette (Firmine Richard) une femme de ménage antillaise qui élève seule ses cinq enfants en travaillant de nuit dans les bureaux d'un gros groupe industrielle et agroalimentaire. C'est justement en fréquentant les bureaux tard le soir qu'elle capte divers magouilles opérées par deux proches de Romuald Blindet l'actuel PDG du groupe (Daniel Auteuil) afin de le faire tomber et prendre sa place. Lorsque le piège se referme sur Romuald , l'homme d'affaire n'a d'autres choix de trouver refuge pour quelques jours chez Juliette, tout en préparant avec son aide sa future revanche.


Comme je le disais en préambule, Romuald et Juliette ne démarre pas de manière très convaincante. Le montage alterné montrant d'un côté le quotidien difficile de Juliette et de l'autre l'opulente vie de la famille blindée de Romuald Blindet n'est pas vraiment d'une grande subtilité même si il a le mérite de clairement poser les deux univers à priori trop opposés pour se rencontrer. Ensuite toute les histoires de magouilles, de sabotage de production de yaourts, de jeux boursiers afin de faire tomber le PDG sont un peu trop vite expédiées comme si pour faire avancer son histoire rapidement Coline Serreau laissait parfois en marge la cohérence de son récit. A ce titre on a vraiment la sensation qu'il suffit d'une journée pour que des yaourts contaminés sur une chaîne de production conduisent des consommateurs à l'hôpital en oubliant tout de même de nombreux maillons entre la fabrication et les urgences. Tout semble alors un peu trop facile, trop appuyé dans l'écriture mais la mise en place est faites et la rencontre improbable peut avoir lieue sur ce terreau grossièrement posé mais tout de même efficacement mis en place. Il faut tout de même signaler la très belle idée symbolique de cette femme de ménage qui au propre comme au figuré décide de s'occuper des poubelles et des saletés laissées derrière eux par des hommes d'affaires carriéristes peu scrupuleux. En tout cas une fois la rencontre opérée Romuald et Juliette trouve son rythme de croisière et finit par toucher par sa générosité et son message humaniste au sein d'une forme de comédie romantique aux codes légèrement décalés. Car entre la généreuse, solaire et célibataire endurcie Juliette et l'homme d'affaire obnubilé par la reconquête du pouvoir tout ne se fera pas comme dans un conte de fées même si la finalité sera plus ou moins la même. Ainsi lorsque Romuald viendra confiant et suffisant déclarer sa flamme à sa Juliette, celle ci l'enverra copieusement se faire voir à travers une longue tirade libératrice et incendiaire sur ce qu'il représente à ses yeux. Un dialogue qui fera écho quelques scènes plus tard à une nouvelle bouleversante et sincère déclaration d'amour de Romuald. Le film est ainsi truffé de jolis moments comme lorsque Romuald découvre le corps dénudé de Juliette partiellement recouvert d'un drap et qu'il en reste bouleversé dans l'encablure de la porte de sa chambre. Et si le film n'évite pas encore quelques grossières petite péripéties comme les histoires de drogue de l'un des enfants de Juliette, dans l'ensemble Coline Serreau fait souvent preuve de la grâce, la tendresse, la sincérité et l'engagement qui fera toute la saveur de son futur meilleur film La Crise. Car Romuald et Juliette finit par devenir un hymne sans doute naïf mais incroyablement léger et généreux à l'amour et la mixité sociale et culturel.


Le film est également porté par un formidable casting avec en vedette le couple du titre Romuald et Juliette. Romuald est solidement campé par Daniel Auteuil parfait en PDG arrogant et suffisant ouvrant doucement les yeux sur la nocivité de son entourage et sur la morosité de son existence. Quant à Juliette elle est génialement interprétée par Firmine Richard qui faisait ici sa toute première apparition au cinéma et qui irradie l'écran de sa générosité et de sa gouaille antillaise. La comédienne est vraiment formidable et toute les scènes au cœur de sa famille avec ses cinq enfants sont d'une désarmante justesse. Les enfants sont aussi très convaincants et naturels hormis peut être l'adolescent à problème interprété par Sambou Tati mais ce dernier n'a pas la partition la plus simple à jouer et le rôle le mieux écrit du film. Quant à l'alchimie entre Daniel Auteuil et Firmine Richard on a cette belle sensation qu'elle suit un peu le parcours de leurs personnages respectifs , d'abord un peu hésitante pour finir par une merveilleuse complicité qui fait évidence à l'écran. A noter parmi les nombreux seconds rôles le plaisir de retrouver Pierre Vernier et Maxime Leroux et de découvrir dans des petits rôles plus ou moins important des débutants comme Isabelle Carré, Lionel Abelanski ou José Garcia.


Au final Romuald et Juliette est donc un très joli film dans lequel Coline Serreau trouve l'équilibre quasiment parfait entre comédie, romance, émotion et fable sociale. La fable amoureuse du riche homme d'affaire blanc et de la pauvre femme de ménage noire fera sourire les plus cyniques mais la morale finira par leur clouer le bec, le véritable amour se contrefout de toutes les différences et accessoirement il vous emmerde.

freddyK
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le 29 juil. 2025

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