Running Man
6.6
Running Man

Film de Edgar Wright (2025)

Un nouveau film d'Edgar Wright, c'est toujours un événement. Quelques années après Baby Driver, ou encore Last Night in Soho, le cinéaste britannique revient avec le plus gros budget de sa carrière... et de très loin. Mais est-ce que le projet est à la hauteur des ambitions ? Pas totalement.

Le long-métrage s'ouvre sur une quinzaine de minutes d'exposition, présentant les personnages, l'univers et ses enjeux. Wright sait pourquoi son spectateur est dans la salle, et a la bonne idée de ne pas s'éterniser dans les diverses caractérisations. La traque se lance donc assez rapidement, et il faut avouer que le dispositif est particulièrement efficace. Le réalisateur déploie son mythique sens du montage frénétique, offrant un pur shot d'adrénaline excellement bien rythmé.

On est complètement embarqué dans cette aventure, et le film parvient à véritablement flouter la frontière entre le visionnage de l'émission, et celui de l'objet filmique en tant que tel. Un parallèle plutôt malin d'ailleurs, puisqu'il place son spectateur directement dans l'audience du jeu télévisé, le questionnant ainsi sur son rapport à ce spectacle malsain, et à toute la violence qui en découle.

Car oui, derrière l'aspect très kitsch (et étonnamment inoffensif) de la bande-annonce, le long-métrage recèle une noirceur assez insoupçonnée. Après Eddington ou encore Une Bataille après l'autre, c'est au tour de Running Man de s'attaquer à l'Amérique moderne. Le film expose la déchéance d'une société basculant dans un régime totalitaire, à travers un abrutissement et une manipulation de masse par les médias. On n'est clairement pas sur le propos le plus novateur de l'histoire, mais l'œuvre réussit très bien son mélange d'un tempo comique léger et d'une violence sociétale très crue. Avec, pour le coup, une utilisation de l'IA, et surtout des deepfakes, qui est vraiment pertinente (Chien 51, si tu passes par là, on t'embrasse).

Bon, malgré ce net propos politique, on reste quand même sur une grosse bourrinerie (qui est d'ailleurs bien plus dans le registre de Baby Driver, que de Scott Pilgrim, ou encore de la trilogie Cornetto). Glen Powell est excellent dans ce premier rôle bien clicheton, et l'univers de SF est assez bien exploité, avec quelques concepts futuristes plutôt chouettes. Plusieurs séquences d'action me resteront en tête, comme cette très bonne scène dans un hôtel, en serviette de bain. Mais surtout, cette fantastique course poursuite captée depuis le coffre d'une voiture, qui est de loin la scène la plus représentative du talent de son auteur (dans sa science du cadre, et du montage).

Tout ça, c'était pour le positif. Et malheureusement, il y a quand même beaucoup de points négatifs qui viennent noircir le tableau. Déjà, le long-métrage est beau, certes, mais je trouve qu'il peine à magnifier la plupart de ses décors. D'autant plus que, comme pour Last Night in Soho, c'est Chung Chung-hoon qui est à la photo (un chef op notamment connu pour son travail de longue date avec Park Chan-wook).

Et le plus gros problème, c'est que la deuxième partie du film perd beaucoup de sa saveur initiale. On retombe sur une forme de blockbuster américain assez lambda, très bien emballé certes, mais on ne ressent pratiquement plus la patte de Wright derrière la caméra. Comme dit en introduction, c'est le plus gros budget de sa carrière, et je ne peux pas m'empêcher de voir dans cette seconde moitié un gros studio qui a voulu imposer son cahier des charges.

En résulte alors une œuvre profondément malade, qui se perd dans un montage hasardeux, des séquences d'action tout juste bonnes, et des enjeux familiaux portés par des flashbacks aussi mièvres qu'embarrassants. À vouloir tout mélanger, la narration devient indigeste, jusqu'à un épilogue qui n'arrive jamais à se boucler.

C'est donc l'un des Edgar Wright les plus faibles à mes yeux (comme l'avait d'ailleurs été son précédent). Mais, pour bien être clair et nuancer mon propos, j'estime que Running Man reste un excellent divertissement. C'est très inégal, mais aussi très généreux, et on ne peut pas enlever à l'œuvre la volonté de tenter des choses. L'occasion de rappeler qu'un Edgar Wright un peu décevant reste bien au-dessus d'un blockbuster dans les standards hollywoodiens actuels...

6,5/10


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il y a 2 jours

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