Saani Kaayidhaam (papier boueux en français), c’est l’histoire de Ponni, une femme flic dans un petit village du Tamil Nadu. Elle vit chichement avec Maari et leur petite fille. À son boulot dans un moulin appartenant à une famille d’une caste supérieure, Maari discute politique, cherchant à faire évoluer ce système injuste… ce qui provoque une bagarre avec Anbu, l’un des propriétaires… Lorsqu’il revient le lendemain pour s’excuser, les mecs à qui appartiennent le moulin l’envoient chier et font des remarques graveleuses sur sa femme… ce qui va provoquer une nouvelle bagarre. Cette demie-douzaine de frères, cousins et oncles divers, consternés qu’un type d’une classe inférieure puisse oser leur tenir tête, décident d’aller mettre le feu à la maison de Ponni, tuant Maari et leur petite fille, avant de faire subir mille outrages à la jeune policière. Ponni va alors passer d’un état de choc à une rage folle. Avec l’aide de son demi-frère Sangayya, elle part à la recherche de ses bourreaux, ivre de vengeance, sur fond de lutte de classe. Disons-le directement, Saani Kaayidham n’est pas tout à fait à la hauteur de la hype provoquée par sa bande annonce, mais le film de Arun Matheswaran réserve cependant de nombreuses surprises, dissolvant progressivement le propos social dans un récit d’une ultraviolence absolument délirante (quoiqu’essentiellement hors champs), il ponctue notamment son propos de quelques flashbacks en noir et blanc très épuré. Ces respirations nous ramènent à une époque où Ponni et Sangayya, encore enfants, vont commencer à subit l’humiliation découlant leur condition sociale. Une malédiction pense Ponni, mais pour Sangayya, l’horreur n’a rien à voir avec la sorcellerie, elle a un visage, celui des riches propriétaires des castes supérieure. Au fur et à mesure du récit, les pièces se mettent en place pour nous permettre de comprendre les racines de cette haine qui a embrasé nos deux protagonistes. À ce jeu-là, Keerthy Suresh dans le rôle enragé de Ponni, est assez impressionnante, mais elle se fait rapidement voler la vedette par Selvaraghavan (Sangayya) qui, avec son œil de verre et son air débonnaire, couve une colère tout aussi terrible et offre une prestation magistrale. Autour des deux personnages principaux, la bande de types aux ganaches rocambolesques est absolument géniale, je pense notamment à RK Vijay Murugan qui campe Anbu, grand barbu prétentieux, vil et délicieusement abject. Formellement, le film aligne un certain nombre de séquences absolument magnifiques, aux cadres précis, et aux jeux de lumières élégants. Mais la beauté formelle du premier tiers du film et sa richesse thématique se perdent un peu dans sa dernière partie. On excusera aisément les quelques trucs un peu faibles qui parasitent le film (comme le maquillage de la tête éclatée de Ponni peu convaincant, ou certains effets ratés…) tant la tension et les enjeux nous emportent, mais la relative faiblesse de son dernier quart peine un peu le spectateur pourtant enthousiaste. Pour dynamiser un dispositif un peu répétitif, les auteurs incorporent au récit un troisième personnage qui va finalement faire dévier le propos et les enjeux, émancipant le film de sa rage politique jusqu’à un dénouement plutôt balourd. C’est vraiment dommage parce qu’avec une seconde partie mieux tenue, on tenait là un nouveau chef d’œuvre du cinéma tamoul !

MelvinZed
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le 4 janv. 2023

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