Entre Bad Times et le brillant End Of Watch, David Ayer radicalisait son approche du film policier et du film de bande en la modernisant sensiblement : de tragédie classique à faux-docu caméra embarquée viscéralement brutal et noir, il s'imposait comme continuateur de The Shield, téméraire devant l'outrance cathartique et la violence insupportable exigée par le réalisme du genre. Le virage annoncé par Sabotage vers la série Z sponso Governator paraît ainsi de prime abord une régression étonnante : au bout de 20 minutes d'installation laborieuse, Sabotage paraît un pastiche pataud et particulièrement stupide du désuet Scharzy movie.

Mais au fil de son déroulement, et passé l'écoeurement volontairement provoqué par cette entrée en matière, on arrive plus aisément à lier le film au wagon Ayer : Sabotage est au fait presque expérimental dans sa manière de surligner constamment l'incroyable vulgarité de son groupe de bêtes traqueuses, bande d'alcoolos cocaïnés sauvages et primaux qu'Arnold dirige presque comme un chef de meute (dispositif qui rappelle furieusement une certaine Strike Team...). Ce vautrage intégral, effrayant et finalement plutôt jouissif, dans la beaufitude extrême réactive le goût du cinéaste pour une certaine forme de trash à la fois totalement ironique et très premier degré (le polar en soi est très, très nihiliste), en plus de relire habilement et assez subversivement le mythe du Last Action Hero, dont l'impassibilité est ici plutôt celle du prédateur roi de la jungle que du justicier. C'est cette manière d'aller chercher lyrisme et tragédie dans le regard bovin et plus vide que jamais de son héros bodybuilé, pour transgresser la mécanique attendue de la série Z écervelée, qui fait la modernité relative de Sabotage, dans la même veine que le bien plus abouti par ailleurs No Pain No Gain de Michael Bay.

Dommage qu'à côté de ces fulgurances assez décoiffantes, de ce goût de l'excès flamboyant où Ayer excelle décidément, l'on doive se farcir un scénario très confus et bancal, qui s'achève après un dernier virage en tête-à-queue malheureux dans le vigilante primaire, dont les relents de morale texane rappellent les pires heures du Governator. Lequel a peut-être in extremis remis la main sur le script, court-circuitant par là-meme tout ce qui en faisait l'originalité un peu casse-cou (la sauvagerie sans limites, son duo improbable et dynamique avec l'élégante Olivia Williams). Mais qu'importe, au pays des beaufs magnifiques, Ayer reste un prometteur dynamiteur en série, qu'elle soit B, Z ou noire.
jackstrummer
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le 4 juin 2014

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