Je tiens à prévenir que Salo ou les 120 journées de Sodome est mon film préféré, car il va au bout de son idée, c'est le film ultime dans le domaine de la critique sociale.


L'histoire, soyons bref, se passe à Salo, capitale de la republique fasciste italienne en 1944. Quatre notables décident d'enlever plusieurs jeunes pour les transformer en sorte de milice et font leur marché parmi 20 jeunes gens des deux sexes. Tout ce beau monde sera enfermé dans une villa et sera à la merci des quatre bourgeois qui assouviront leurs fantasmes.
A première vue, ce film ressemble à un porno BDSM stupide. Mais il suffit de voir le réalisateur pour se raviser, c'est Pier Paolo Pasolini, un grand poète italien s'étant converti au cinéma avec un discours profondément anti consumériste. Donc ce film a quelque chose à dire.
Ce film apporte un réflexion su quelque chose: la société de consommation. Pasolini l'a présenté comme le nouveau fascisme(d'où le rapport à Salo) dans les écrits corsaires.
Dans ce film on peut voir une descente aux enfers avec un seul but(prononcé par un des 4 bourgeois): transformer ces jeunes gens en dépravé. Voilà ce que critique Pasolini, la transformation du peuple italien par la société de consommation, dans un de ses précédents films(Théorème), un des personnages demande: "est ce que la stratégie des bourgeois ne serait pas de transformer tout le monde en petit-bourgeois?". Voilà, Salo montre ce processus. Des jeunes finissent donc par développer une forme de tolérance voire d'appréciation(je pense surtout aux jeunes chargés de faire la milice) face à leurs tortionnaires. Ils ont réussi.
Ce film est très pessimiste, d'une part à travers la mise en scène(peu de compassion, des décors composés exclusivement de portes verrouillées, évolution de la décoration murale passant de classique à futuriste donc fasciste), mais surtout par son scénario où de jeunes gens vont aller jusqu'à collaborer(notamment la scène où ils se dénoncent les uns les autres pour survivre).
Selon moi, il faut aussi regarder attentivement la pianiste, au début du film(quand ils sont sur le balcon) elle est la seule à regarder les jeunes gens avec une forme de pitié, et durant toutes les histoires grivoises racontées dans le salon, elle jouera les plus belles pièces classiques et romantiques(Chopin, ect,...). Pour moi, elle incarne la culture classique celle d'avant la société de consommation et qui est forcée de cohabiter avec cette nouvelle culture consumériste. Aussi, Pasolini avait parlé dans une interview d'un culturicide, la société de consommation a changé les italiens, elle a tué leur culture. Et qu'arrive-t-il à la pianiste? Elle meurt, elle se suicide face à l'horreur des tortures faites par les notable sur les jeunes gens. Pour moi, c'est l'incarnation de ce culturicide que Pasolini dénonce.


Evidemment, Salo ou les 120 journées de Sodome n'est pas un divertissement, ce n'est pas un film grand public, c'est une oeuvre profondément réfléchie et politique. Je ne peux que vous conseiller de la voir si vous vous intéressez au cinéma contestataire et faisant attention à ce que j'ai souligné.
(Je ne prétends pas être un grand analyste et je serai ravi d'échanger dans les commentaires si j'ai fais une mauvaise interprétation).

Froward
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le 30 juil. 2020

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