Pour ma quatrième incursion dans le western en cette fin d’été 2018, je me suis donc penché sur « Saludos, hombre », la conclusion de la trilogie westernienne de Sergio Sollima entamée par l’incandescent « Colorado » et suivi par le ténébreux « Dernier face à face ».
« Saludos hombre » est un succès moindre que les précédents volets, je le suppose en raison du départ d’Alberto Grimaldi, le gérant de l’euro-western par sa société de production Produzioni Europee Associati. L’année 1968 est prolifique pour ce producteur, il est de tous les projets : « Le mercenaire » de Corbucci, « Satyricon » de Fellini, « Sabata »… .
Le succès moindre peut également s’expliquer par un manque de rythme de la part de Sollima dans sa mise en scène et une histoire un peu brouillonne qui tire à la parodie.
Synopsis : Cuchilio rencontre un prêtre avec qui il s’évade de prison. Une fois arrivé au village du prêtre, un bandit révolutionnaire l’abat involontairement. Avant de mourir, le prêtre confie à Cuchilio l’emplacement d’un trésor. Révolutionnaires et autres chasseurs de primes vont se lancer à ses trousses.
Avant de parler du scénario, posons la définition du western Zapata. Il s’agit d’un western politique italien, initié par « El chuncho »(1967) de Damiano Damiani, qui évoque la révolution mexicaine. Dans cette trilogie du western, clairement, seul « Saludos hombre » en fait partie. « Colorado » et « Le dernier face à face », en dehors que le personnage de Cuchilio est mexicain, sont des westerns all’italiana pur jus. Dans ce western Zapata, il y a des éléments scénaristiques qui relèvent de la révolution mexicaine (le trésor va pouvoir financer la campagne des bandits révolutionnaires).
Toujours sur le scénario, le trio des Sergio (Sollima/Solinas/Donati) a déserté. Dommage. Embarqué à la va-vite, Pompeo de Angelis tente de densifier le script en apportant à l’histoire plusieurs personnages (la dame qui aide le pauvre et l’orphelin, le second du bandit révolutionnaire, l’amoureuse de Cuchilio). Las, il les esquisse à gros traits oubliant la profondeur des personnages qui avait fait tout le sel de « Colorado » et surtout créé l’aura quasi mystique du « Dernier face à face ». Le manque de subtilité dans le traitement du sujet fait virer ce western Zapata en un western à la limite de la parodie. Très étonnant lorsque l’on sait que « Sabata » sorti sur les écrans l’année suivante.
Si l’on se dirige du côté du casting, Tomas ‘Cuchilio’ Milian (« Boccace 70 », « Companeros », « JFK », « Traffic »…) se retrouve tout seul sans de véritable gueule en duel/face-à-face pour pouvoir approfondir son personnage, ce qui avait été fait sur les deux précédents volets. Ici, Tomas Milian n’arrive pas à se faire l’alter-ego du cinéaste par cette absence de scénario costaud et d’acteurs digne de tenir leur rang face à lui. Le second couteau que j’arrive à sortir du lot est Donald O’Brien (il a fait des apparitions dans « Les quatre de l’apocalypse », « Le nom de la rose » parmi d’autres), parfait dans le rôle de Cassidy. Notons la présence de John Ireland pas charismatique pour un sou. Etonnant lorsque l’on regarde sa filmographie ! « La poursuite infernale », « Règlement de compte à OK Corral » et « Spartacus » (!) font quand même partie de son cv. Les deux groupies, en des couteaux encore inavouables qui se démarquent et tournent à la parodie ce western spaghetti dès la première partie sont Linda Veras (entre-aperçue dans « Le mépris » de Godard) et Chelo Alonso (actrice cubaine qui a joué dans « Sous le signe de Rome » et d’autres péplums).
A la musique, Bruno Nicolai, pour une fois séparé de son compère Ennio, donne le la à sa partition en des envolées non pas lyriques mais plutôt fléchoyantes. Pas pétarantes mais plutôt distrayantes. Toujours sur des thèmes bien morriconiens, il s’en affranchit pour mieux nous envoyer galoper en sa compagnie. Grâce à ses chœurs et ses instruments à vents, le compositeur du « Caligula » de Tinto Brass nous fait passer une agréable soirée dans les aventures de note Cuchilio préféré. Merci Bruno ! D’autant que ton duel final est honorable. Cool !
La mise en scène de Sergio Sollima ? La première partie est pitoyable (pas de rythme, pas de connexion avec son scénario via des personnages trop peu esquissés, manque de liant entre le montage et la musique, pas d’identité visuelle, …) rattrapée par un semblant de savoir-faire en seconde : assemblage de l’histoire pour un solide emballement de l’action tout en calibrant un duel final à la Sollima très bien souligné par la musique de Nicolai.
Pour terminer, « Corri uomo corri »(1968), film le plus politique selon Sollima, est un western Zapata mi sérieux mi désinvolte qui ressemble davantage à un divertissement honorable du vendredi soir qu’à un chef d’œuvre.
Spectateurs amis de Tomas Milian, désertez !