Ce film ne parle pas du Racing Club de Lens

Bien sympathique découverte que ce Body and Soul qui mêle le film noir et l'univers pourri de la boxe, préfigurant ainsi les deux piliers du genre que seront The Set-Up et The Harder They Fall. Le film raconte l'histoire d'un boxeur issu d'un milieu juif modeste qui a grandi dans un quartier cosmopolite où la violence règne, ne lui offrant que peu de perspectives d'avenir. C'est soit la reprise du petit commerce familial, soit l'emploi de la force à des fins plus ou moins douteuses. Sous couvert d'un drame pugilistique, Robert Rossen dresse ici un portrait acerbe d'une Amérique où les individus semblent broyés par le système et ne peuvent s'extirper de leur classe sociale qu'en vendant leur âme au diable. Et comme on peut s'en douter avec de telles thématiques, l'équipe du film a rencontré de petits ennuis plus tard en plein maccarthysme, certaines carrières ayant même été brisées net.


Le film est original dans son approche (pour son époque) en n'hésitant pas à dresser le portrait d'un antihéros qui est victime de ses propres actes mais aussi et surtout d'un système corrompu qui ne laisse que peu de place à l'honnêteté et au véritable mérite. Le film offre ainsi une galerie de personnages qui sont certes un peu enfermés dans leur fonction mais qui permettent de mettre en relief l'impuissance relative du protagoniste principal Charley Davis, un gros dur au coeur tendre qui cède facilement aux tentations. Et si le film a tendance à opposer explicitement les intègres et les malhonnêtes, le fait que le personnage principal soit plein de zones grises et de contradictions est appréciable.


La mise en scène de Rossen n'est pas en reste, nous offrant de beaux travellings et étant particulièrement à l'aise dans les plans intérieurs avec de multiples personnages. Les scènes de boxe sont quant à elles sympathiques mais pas aussi puissantes en comparaison des réussites qu'étaient celles de The Set-Up (encore lui) ou encore de Gentleman Jim à cette époque, et ce malgré un montage nerveux assez immersif. De manière générale le film est quand même d'une bonne facture visuelle. Je garde néanmoins de petites réserves quant aux ellipses assez brutales qui ne laisse pas l'émotion se développer à certains moments-clés, donnant l'impression que le propos social était plus important que la progression intime du héros.


Ces quelques menus défauts n'entachent cependant pas le visionnage très agréable d'un film qui vaut le détour. Et il est assez amusant de constater à quel point on pourrait le considérer comme matriciel dans le genre du film de boxe tant on y retrouve du Rocky et du Raging Bull avant l'heure.

Moorhuhn
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le 11 oct. 2025

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