Ça part d'un fait d'hiver, le corps perdu d'une jeune fille, morte de froid au bord d'une route. Pour Agnès Varda, ça suffisait, c'était important même, de remonter sa route, de suivre ses pas jusqu'à ce fossé. La petite, c'est Sandrine Bonnaire, elle a dix-huit ans, elle sera parfaite pour cette errance finale.

Si vous lisez mes critiques, vous savez déjà que j'ai une passion pour les phases terminales, pour les derniers soubresauts. Evidemment, des fois, j'ai du mal quand même, c'est pas les plus faciles les derniers moments. J'aimais bien le côté suicidaire et poétique du Feu follet, encore plus celui d'Oslo 31 août, j'ai détesté Into the wild et son ambiance culpabilisante-moraliste-religieuse. D'habitude, on revit sa mort avec le personnage ; ici, et c'est un parti pris plutôt cool, Agnès, en voix-off, interroge ses dernières rencontres - c'est un film, ce sont des acteurs, il y a même Yolande Moreau -, nous raconte son parcours, nous le commente. Et là, où ça change vraiment, c'est dans le traitement de la jeune fille - elle s'appelle Mona -, à aucun moment, malgré sa fin tragique qui s'approche à grands pas, on n'a de pitié pour elle. Mona a tort tout le temps, Mona se trompe sur toute la ligne, Mona va droit à la catastrophe et personne ne semble vouloir nous le cacher. Elle traîne, et c'est de pire en pire, alors elle va traîner plus loin. Jusqu'à épuisement.

Pourtant, parce qu'il y a un pourtant, sinon ce film serait sordide - avouons-le, c'est déjà pas la joie - Mona fait rêver. Sur son passage, Mona laisse planer un doute. Il y a dans le regard des gens, et dans la voix d'Agnès, une note pas d'espoir mais de quelque chose qui pourrait s'en rapprocher, elle suscite des envies, elle intrigue, des questions se posent en filigrane de la désolation. Et je crois que c'est là que le film touche vraiment (à son but).

Créée

le 12 févr. 2014

Critique lue 1.7K fois

28 j'aime

4 commentaires

J. Z. D.

Écrit par

Critique lue 1.7K fois

28
4

D'autres avis sur Sans toit ni loi

Sans toit ni loi
Rhoda
9

ou comment "filmer vrai"

Ce film, c'est un écrin de vérité qui explose et tonne. Macha Méril, qui joue dans "Sans toit ni loi" a dit d'Agnès Varda : "Chaque matin, quand elle se lève, elle regarde, elle voit des choses que...

le 2 sept. 2012

30 j'aime

1

Sans toit ni loi
JZD
8

Sans foi, ni toit.

Ça part d'un fait d'hiver, le corps perdu d'une jeune fille, morte de froid au bord d'une route. Pour Agnès Varda, ça suffisait, c'était important même, de remonter sa route, de suivre ses pas...

le 12 févr. 2014

28 j'aime

4

Sans toit ni loi
PiotrAakoun
10

Critique de Sans toit ni loi par PiotrAakoun

Sandrine Bonnaire crève l'écran. On a l'impression de vivre une tragédie grecque intemporelle, avec une Mona fière et sauvage, à la recherche d'un idéal qu'elle pourrait atteindre si la réalité était...

le 13 janv. 2017

23 j'aime

13

Du même critique

Malcolm
JZD
10

Critique de Malcolm par J. Z. D.

Francis qui veut pas travailler ! La peluche bleue qui parle à Dewey, et Reese pom-pom-boy ! Les microbes qui veulent entrer dans ses yeux ! Les objets s'évanouissent à proximité de Al ! Les nouveaux...

le 30 mars 2011

180 j'aime

35

La Vie aquatique
JZD
10

Critique de La Vie aquatique par J. Z. D.

Il faut, une fois pour toute, que je justifie ce dix, ce coeur, et cette place un peu malhonnête en tête de mon top film. En effet, ce film n'a pas les épaules (encore que c'est plus des jambes qu'il...

le 19 nov. 2010

158 j'aime

26

The Grand Budapest Hotel
JZD
8

The Budapest Hotel.

Inlassablement, le cinéma de Wes Anderson est parfait. Il est même de plus en plus parfait. Et pourtant, je ne suis pas sûr d'aimer de plus en plus ces films. Déjà, depuis un moment, ses notes...

le 26 févr. 2014

106 j'aime

9