Il est difficile de se lancer dans une critique constructive d'un Bergman. Difficile de déceler avec justesse, la complexité des idées que ce réalisateur souhaite transmettre à ses spectateurs.


Je souhaite préciser que je ne suis absolument pas un inconditionnel Bergmanien!!!
C'est un peu ça mon problème avec les films d'intellos...même quand on y comprend rien, même quand on se fait chier, même quand on ne ressent aucune sensation, il est obligatoire de lever les yeux au ciel et de sortir tout son charabia élogieux. Enfin Bref!


Après avoir regardé avec attention "L'heure du loup", "Persona" et "La Source", j'ai enfin pu me lancer dans celui que j'attendais avec impatience : "Scènes de la vie conjugale"!
Pour résumer en 2 temps-3 mouvements, le film séparé en 6 moyens métrages de près de 50 minutes (je n'ai pas vu la version condensée de 3h) suit l'évolution d'un couple suédois quarantenaire, plutôt aisé, en apparence heureux, enfants, belle maison, beaux meubles etc etc...
Jusque là, tout va bien!
Cependant, ça reste tout de même du Bergman mes amis et du coup rien n'est laissé au hasard, rien est superficiel, tout est science humaine.
On entre dès le début du film dans un huit clos captivant en pleine intimité de ce couple banalement exemplaire : La femme charmante, intelligente, aimante, douce et L'homme lettré, ambitieux, masculin et barbu, responsable et protecteur! Un cliché sur le papier mais très certainement un idéal pour beaucoup. Aucun artifice ici mais un art cinématographique comme je l'aime c'est à dire au plus près du réel, naturaliste, intellectualisant et universaliste (On se reconnait un peu tous dans Johan et Marianne).


Ce petit bijoux du cinéma scandinave est une véritable référence et décortique toute la psychologie, la philosophie et la psychanalyse de la vie à 2, de la vie conjugale. Une question sur la nature et les besoins féminins et masculins. Karl Marx disait d'ailleurs un peu à sa façon que "dans la vie l'homme joue le rôle du bourgeois quand la femme joue celui du prolétariat".
D'une part, Marianne, belle femme bien éduquée, heureuse dans son métier sans être carriériste n'a quasiment connue que Johan avec qui elle a eue des enfants (que nous ne verront pas). Réservée et complexée du fait de son éducation trop élitiste et trop bourgeoise, elle s'est rangée dans le corps de la femme parfaite qui rend son mari et son foyer heureux.
D'autre part, Johan, bel homme d'âge mur ambitieux, regrette un peu la belle époque de son apogée professionnel. Charismatique et lettré, il a suivi le chemin de la réussite en se reposant sur la sécurité familiale et conjugale.


Marianne représente La femme en apparence heureuse dans un bonheur matériel et intellectuel cependant, dans la vie, rien n'arrive sans rien, aucune crise n’apparaît selon l'ordre du saint esprit. Toutes les facettes de la Femme amoureuse et dépendante vont être divulguées : la honte, la dévalorisation, la soumission, la peur, la naïveté, le combat...
Johan est montré comme l'éternel insatisfait qui se complaît dans l'autodestruction de son propre bonheur, celui qui recherche la maman et la putain. L'homme qui a pour épouse la femme pure, la mère de ses enfants et qui cherche la jeunette pour faire des saletés et se donner une seconde vie. L'homme qui est tellement certain de la soumission psychologique de sa femme qu'il se permet de lui dire tout ce qu'il pense sans jamais réellement se dire qu'elle pourrait un jour s'émanciper sentimentalement.


On suit avec plaisir, envie et tristesse, ce couple rêvé, ce couple lambda dans le sens où l'Homme et la Femme sont représentés de manière à incarner un peu de chacun d'entre nous dans nos faiblesses, nos besoins et nos défauts humains.
Ce n'est point un film sur l'amour ou sur la vie d'un couple à la dérive. C'est un film sur vous et moi, sur les liens bons ou mauvais qui soudent deux êtres sur cette terre.


Tout ce scénario de vie est orchestré par des acteurs en chair et en os, un cadre huit clos quasi théâtrale, des dialogues intimistes, et sans tabous. Tellement réaliste que ça en devient dérangeant et cathartique.


Bergman donne ici une leçon de vie bien plus qu'une simple leçon de cinéma.

Lindor
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le 28 sept. 2015

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Lindor

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