Franchise zombie rescuscitée

Dans le monde plus que large des productions Scooby-Doo/Scobidou, il y a un téléfilm qui est régulièrement cité comme étant la production la plus solide, la plus effrayante, la plus sombre et la plus réussie, et c'est le film qui est répertorié dans cette fiche justement.

Paraît-il recyclé d'un script prévu pour la petite série culte outre-Atlantique Swat Kats (ce qui doit se retrouver dans certains éléments du scénario à coup sûr), L'Île aux zombies se permet quelques scènes un peu plus dures que dans les autres itérations des Mystères Associés. Il y a effectivement des idées biens trouvées par le téléfilm, le problème, c'est que ça, c'est le dernier quart du truc, et les 50 minutes qui précèdent sont quand à eux du Scooby-Doo typique.

Ça pourrait être une enquête sur les évènements étranges qui se déroulent sur cette fameuse île, et ça serait très bien, ça aiderait à poser une véritable ambiance plus sombre et horrifique, et mettrait en avant les capacités d'investigation de nos détectives en herbe. Encore faut-il qu'on nous les montre enquêter ; si on les voit rassembler des indices, ils en retirent peu de conclusions pertinentes.

Le mieux que le film est capable de nous faire c'est de nous sortir le bon vieux coup de la fausse piste grossière en nous mettant dans la face un type qui est tellement suspect que fatalement c'est une fausse piste. La mise en scène en fait même un peu trop - elle lui fait lâcher une réplique contenant les mots clés que l'on connaît tous, à savoir "petits fouineurs".

Ça se sent quand même que ça intéresse pas tellement le film d'écrire une enquête étant donné que la grande partie y est dévolu à Sammy et Scooby et à leur pérégrinations culinaires.

Pour eux, c'est festival : on les voit bouffer, on les voit faire des gags sur le fait qu'ils aiment bouffer, on les voit bouffer des piments, et ensuite on les revoit encore bouffer. Puis, après les avoir vu bien se remplir la pense, ils rencontrent purement par hasard un zombie et fuient la queue entre les jambes. Des longueurs au service de gags loin d'être hilarants, qu'on aura déjà vus 100 fois et qu'on reverra encore 100 fois.

Comme on passe trop de temps sur Scooby mange de la soupe de Gombos, Scooby mange des écrevisses, Scooby mange des piments, on est distrait de l'enquête qui devient complètement secondaire. Vient alors la fameuse séquence d'horreur, mais c'est assez difficile d'être pris dans l'ambiance quand on nous sert le très habituel gag du fantôme qui tape du doigt sur l'épaule pour signifier sa présence à un Sammy en effroi. Pour enfoncer le clou, le tout n'amène qu'à une séquence de course poursuite illustrée par une chanson pop.

Que le film se concentre sur les gags avec Sammy et Scooby lui est délétère, faut dire que les autres personnages du groupe sont assez fades, le seul intérêt que le script essaye de leur donner c'est de mettre de très ronflantes bouffées de jalousie. Moi je n'y voyais que deux façons de réussir ce film : soit on se concentre sur l'enquête, donc on réduit le temps d'écran du duo boulimique pour qu'ils restent des comic reliefs plus discrets et moins envahissants ; soit on recentre le film sur eux, et on exploite leur effroi face au danger pour leur permettre de faire preuve de courage au terme d'un final galvanisant.

Aucun de ces deux chemins n'est jamais considéré. Sammy et Scooby, après maintes séquences où ils bouffent puis ils ont peur, tombent par accident sur le repère secret des méchants, et libèrent tout à fait fortuitement leurs amis en danger sans jamais avoir à agir de manière pro-active. C'est la recette standard, quoi, et pas de la fine gastronomie.

Moi, la recette standard, j'en étais déjà pas fan à la base. Je me rappelle de la série de 2002, Quoi d'neuf Scooby-Doo ? certes postérieur au film mais qui contient les mêmes défauts. Si je m'en souviens, ce n'est pas pour ses rares qualités intrinsèques mais parce que la série fut surrediffusée et surrediffusée par France 3 dans les années 2000 à plusieurs épisodes chaque jour de la semaine, avant d'aller inséminer les programmes du dimanche matin où on passait d'habitude des séries de super-héros. La série n'était pas suffisamment bonne - les gags de bouffe, encore - ni suffisamment longue - 42 épisodes - pour justifier une diffusion si obsessionnellement limitée.

Au final, seule la séquence de flashback ordonnée par les méchants donne à ce film sa plus value. C'est un peu la nouveauté si l'on puis dire, puisque cette fois la menace n'est pas un simple malfrat en déguisement qui n'est là que pour effrayer une bande de jeunots proprets pour de mesquins motifs, mais des monstres véritables. Le danger est bien réel, c'est pas du toc, la mort rode avec des crocs bien affutés. Le film est bien entendu construit sur cette surprise, en jouant sur la routine de monstres à chaque fois faux et archi-faux introduite au tout début. C'est ce petit truc en plus - désormais éventé - qui a permis au téléfilm d'obtenir sa place de prince dans la franchise et de lui permettre de se renouveler, puis d'engendrer à sa suite pléthore de téléfilms annuels. Le problème c'est que du point de vue extérieur d'un type comme moi qui n'a jamais été fan, et qui n'a pas de sympathie particulière ni pour ces personnages assez plats ni pour l'humour trop basique et pourtant envahissant, eh bien ce type qui est moi voit surtout 40 minutes de gags sur la nourriture, et des personnages pas tellement engageants dont le temps d'écran est bouffé par les morfales du quintet.

Je ne peux donc pas conclure autrement que le fait que l'aura qui fait de ce téléfilm une réussite relativement aux autres itérations de la franchise, en fait aussi un bien piètre ambassadeur pour celle-ci.