Il est différent des autres Ghostface.

Évolution ou régression de la franchise ?


Suite au succès de Scream, non pas du Scream original du regretté Wes Craven mais du cinquième opus simplement intitulé Scream, qui a rendu un ultime hommage à ce monument du slasher avec réussite malgré certains défauts, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle trilogie, il était tout à fait logique de retrouver les cinéastes Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett à la barre de "Scream 6". Avec à peine un an entre la sortie du cinquième opus et celle du sixième, le délai très court entre l'écriture et la réalisation se fait cruellement sentir. Si j'avais été particulièrement ouvert et conciliant envers l'opus précédent, où la volonté de rendre hommage était pleinement assumée, le sixième opus prend résolument une direction nouvelle. L'hommage est délaissé au profit d'une proposition inédite, d'un renouveau. Bien que louable, intelligente et logique dans son intention, la réalisation, elle, s'avère partiellement catastrophique. Pour cette nouvelle intrigue, sur un scénario de James Vanderbilt, nous quittons Woodsboro pour l'effervescence de New York, élargissant ainsi le cadre de l'histoire. C'est là que se déroule l'une des scènes d'ouverture les plus mémorables de la franchise, marquées par la mort de Laura Crane (Samara Weaving) aux mains d'un Ghostface qui dévoile sans détour son vrai visage à la caméra.


Cette approche audacieuse capte instantanément l'attention du spectateur, d'autant plus que la caméra s'attarde sur ce tueur, Reggie (Tony Revolori), le transformant brusquement en personnage central. À ce moment précis, l’intrigue prend une direction captivante, promettant quelque chose de véritablement novateur. L'assassin se dévoile totalement, exposant ses motivations en tant que fan du précédent tueur, Richie Kirsch, et mettant en avant le plaisir qu'il a éprouvé en tuant Laura. Toutefois, cette brillante idée est rapidement éclipsée lorsque Reggie est éliminé par un autre Ghostface, anéantissant ainsi une perspective si prometteuse. Il semble que les réalisateurs ont choisi de ne pas dévier du concept clé de la saga en maintenant l'identité du tueur principal secret jusqu'à la révélation finale. Cette intention se traduit par la suppression brutale d'un personnage si prometteur, d'une direction si novatrice, laissant un sentiment de frustration. Surtout, qu'il aurait été possible de conserver l'originalité en maintenant Reggie en vie tout en jouant sur les codes références en préservant le mystère autour de son acolyte avec qui il pense parler au téléphone, révélant cette identité seulement à la fin. Une bonne manière de jouer sur de la nouveauté en les confondants avec les codes phares de la franchise. Malheureusement, au lieu de cela, on tanche net avec les bonnes idées. Un constat agaçant à l'image de ce film, qui, à chaque fois qu'une idée innovante et fonctionnelle émerge, est rapidement anéantie par des choix moins ingénieux.


L'intrigue se déploie ainsi tout au long, offrant une série de rebondissements plutôt efficaces où Ghostface fait preuve d'une violence extrême à travers des mises à mort percutantes, aspergeant le sang de manière spectaculaire. Il n'hésite pas à agir de manière audacieuse, même dans des endroits bondés comme une épicerie, où il fait des ravages et utilise même un fusil à pompe, une première pour la franchise. On comprend que ce tueur ne plaisante pas et qu'il promet une expérience intense. Cette promesse est initialement tenue avec l'assaut dans l'appartement des héroïnes, offrant une séquence divertissante sur une échelle, jusqu'à l'attaque dans le métro, où le Ghostface se mêle à de nombreux autres Ghostface dans une foule prête à fêter Halloween, et culminant avec l'assaut chez Gale Weathers (Courteney Cox), qui nous offre une confrontation à la hauteur de son personnage. Enfin, le dernier chapitre s'ouvre dans ce qui s'avère être un sanctuaire dédié à la gloire de Ghostface, un lieu bien choisi pour le dénouement même si, du point de vue de la cohérence, c'est complètement loufoque. Toutes les pièces à conviction des affaires précédentes des films Scream sont présentes. Comment ? Tout est là depuis un certain temps, et cela ne semble pas déranger les forces de l'ordre qui se retrouvent sans aucune preuve ? Faire disparaître une preuve, pourquoi pas, mais toutes ? On essaie de l'expliquer à un moment donné, mais la raison reste impossible à accepter. Passons. Après une première attaque sympathique où l'on voit non pas un, mais deux tueurs masqués en action, une autre première, annonçant une bonne conclusion (pauvre idiot), survient la révélation finale autour des tueurs, et cela conduit au pire dénouement de la saga. Des affrontements grotesques impliquant des meurtriers tout aussi ridicules pour une série de situations poussives et simultanément stupides. Aller de l'une des introductions les plus mémorables de la saga au dénouement le plus claqué, il fallait le faire.


Je vis avec ce secret, il y a une noirceur en moi.

Scream 6, s'avère particulièrement fragile, déroulant un ensemble de relations dont on se fiche totalement, où les intrigues amoureuses prennent le pas sur l'intrigue principale en introduisant un nouveau club, le "club des quatre", qu'on a hâte de voir rapidement amputé de quelques membres. On ouvre des intrigues secondaires importantes qui ne mènent nulle part, comme en témoigne le personnage de Samantha (Melissa Barrera) qui tente de nous faire une pseudo-Dexter avec le fantôme de son père, Billy Loomis (Skeet Ulrich), pour finalement aboutir à rien. Les motivations de nos trois tueurs pour commettre ces actes horribles sont bidon. Mais le pire, demeure l'élément impardonnable de ce sixième opus :

« il échoue à s'imposer comme une critique du cinéma d'horreur, comme chacun des films précédents l'a fait en opposant le contexte de leur situation avec les rouages ​​des codes cinématographiques. Ici, quelques références sont faites, une tentative de discours sur les reboots et les suites version sequel est esquissée, mais on passe rapidement dessus, et surtout, rien n'a de sens par rapport à ce qui est clairement montré. Plus grave encore, notre nouvelle experte du slasher, Mindy (Jasmin Savoy Brown) la nièce de Randy (tu nous manques amigo), n'a aucun argument réellement intelligent ni aucune justification valable pour tenir une telle position. Un Scream qui ne joue pas avec les codes du cinéma pour en offrir une critique satirique n'est plus du tout un Scream ! »

Parlons du casting, un aspect qui me pose réellement problème ! Tout d'abord, il est évident que le nouveau casting, que l'on a déjà pu découvrir dans l'opus précédent et qui fait son retour ici, est clairement choisi dans le dessein de promouvoir une diversité progressive parmi les personnages. Cela est partiellement réussi, car la représentation de personnages gays, noirs ou mexicains n'est pas présentée de manière déplaisante, je veux dire par là qu'ils ne sont pas dans une conduite agressive à systématiquement dénigrer la gente masculine ou de culpabiliser les blancs par un discours raciste (un miracle). Le problème réside dans les personnages eux-mêmes, qui s'accordent peu d'attention et qui souffrent d'un manque de charisme manifeste. J'espérais beaucoup du personnage de Samantha, interprété par Melissa Barrera, mais il est clairement évident qu'elle ne parviendra pas un seul instant à rivaliser avec notre Sydney Prescott, cruellement absente ici. En effet, l'actrice Neve Campbell, suite à des désaccords avec la production, n'a pas rejoint le casting, et à mon avis, c'est une erreur grave, car aucun des nouveaux héros ne possède suffisamment de charisme pour porter le film. Certes, il y a Courteney Cox, mais son rôle est trop limité, bien trop ! Et n'abordons même pas le cas de Kirby Reed, joué par Hayden Panettiere, qui aurait mieux fait de ne pas intervenir.


Et puis, il y a les autres acteurs, avec Jasmin Savoy Brown en tant que Mindy et Mason Gooding en tant que Chad, que je n'apprécie vraiment pas, car ils occupent beaucoup d'espace pour pas grand-chose. Le comble, c'est que tous les deux se font massacrer dans le premier film et reviennent ici pour se faire zigouiller de manière encore plus brutale, mais miraculeusement, ils ressuscitent. Tout ça à cause du "Club des 4". On ne peut pas sacrifier le fameux Club des 4, ce serait trop cruel, alors tant pis pour la logique et l'intention dramatique, ils doivent survivre. Ainsi, Mindy se fait joyeusement poignarder dans le métro, frôlant la mort, mais elle revient en courant à la fin, rejoignant ses amis comme si de rien n'était. Quant à Chad, il se fait attaquer par deux tueurs qui s'acharnent sur lui à coups de couteau, plus de vingt fois, mais miraculeusement, il est toujours en vie et suffisamment conscient pour lancer une petite blague. Bon, vu que presque personne n'est mort, on s'en moque, seuls des personnages de fond trépassent, tant pis. En tout cas, il est indéniable que ces survivants témoignent du fait que les tueurs de ce film sont les plus incompétents, les plus ringards et les assassins les moins captivants que la saga ait jamais connu. Quant à la comédienne Jenna Ortega, qui incarne le rôle de Tara, elle est finalement la seule à susciter un tant soit peu d'intérêt et à apporter une certaine crédibilité. Sa relation avec sa sœur Sam est intrigante, mais une fois de plus, le potentiel entourant la prétendue partie psychotique de Sam est si mal exploitée qu'il devient difficile de savoir si Tara est soulagée ou perturbée par le fait que sa frangine est capable du pire.


Il y en a jamais eu un comme moi. Je suis différent.

Attachez vos ceintures, on va passer un moment hilarant, oui, oui, je vous assure, promis juré. Vous n'allez pas croire à quel point il était facile de démasquer les tueurs derrière les masques :


Comme mentionné précédemment, le casting se dirige principalement vers un choix progressiste, ce qui ne me dérange pas tant qu'il reste fidèle à ces personnages sans couler. Toutefois, cette approche nuit considérablement au film en révélant d'emblée l'identité des Ghostface. Pourquoi et comment ? C'est assez simple, et bien que cela puisse paraître absurde, c'est logique ! On aborde ici le discours social actuel pro-« woke », qui imprègne essentiellement Scream 6 de sa logique. Selon la doctrine "Woke", il est considéré comme acquis qu'une personne de couleur ne peut pas être mauvaise ni être incriminée, et que seul un homme blanc (et éventuellement, dans une moindre mesure en l'absence d'hommes, une femme blanche) hétérosexuel doit automatiquement être catalogué comme méchant. Eh bien, cette logique s'applique ici. En effet, au sein du groupe, il n'y a qu'un seul adolescent blanc, Ethan (Jack Champion), qui est en outre dévalorisé en étant qualifié de puceau, une caractéristique que le versant sombre du mouvement "woke" adore exploiter pour remettre en question notre virilité. À partir de là, il devient évident que c'est lui le tueur, car tout s'aligne automatiquement sur la logique des codes "woke". Cette logique était également présente dans Scream 5, mais la présence de plusieurs personnages blancs rendait la tâche plus complexe pour identifier le meurtrier. Ironiquement, lors de ma projection au cinéma, j'avais plaisanté avec un ami en prédisant à mi-parcours du récit qui étaient les assassins, en me basant sur la logique "woke", et vous pouvez imaginer ma (désagréable) surprise en constatant que je n'avais pas tort.


Et à ce stade, vous pourriez penser : « Mouais, bien que cela semble assez plausible, on pourrait attribuer cela à une simple coïncidence. » D'accord, mais que diriez-vous du deuxième tueur que j'avais deviné être probablement une femme, afin de correspondre à l'idéologie en vogue, une façon de mettre en avant la force des femmes, mais obligatoirement une femme blanche ou asiatique (car les mouvements "woke" négligent souvent les asiatiques). Étant donné que la tueuse asiatique était déjà présente dans le film précédent avec un homme blanc (comme je vous l'ai dit, la logique "woke" est respectée à la lettre), la seule possibilité restante était une tueuse blanche. Et là encore, bingo ! Étant donné qu'il n'y a qu'une seule femme blanche inconnue dans le groupe et qu'on la voit en plus mourir hors champ, il était inévitable que ce soit elle l'autre meurtrière. Je ne mentionne même pas ma satisfaction mêlée de déception en constatant que, une fois de plus, mes prédictions étaient exactes. La seule véritable surprise a été le troisième tueur, que je n'anticipais pas, mais qui se révèle être désintéressant au possible, et surtout, grotesque. Je tiens à souligner un point : j'apprécie que la saga explore la diversité avec des personnages dans une perspective progressiste qui, de plus, n'est pas détestable dans sa démonstration (c'est aujourd'hui tellement rare). Le problème réside dans le fait qu'à partir du moment où elle suit les codes du mouvement "woke", et qui, rappelons-le, sont détestables et caricaturaux à l'extrême, tout devient prévisible. J'aurais préféré qu'ils respectent plutôt les codes du cinéma.


CONCLUSION :


Scream 6, réalisé par Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett, se positionne dans la continuité du succès du cinquième opus de la franchise, s'éloignant toutefois de l'hommage pour tenter un renouveau. Et bien qu'il offre des moments divertissants, il échoue à équilibrer l'innovation et le respect des codes de la franchise, laissant une impression mitigée et un sentiment de déception face à ce qui aurait pu être une évolution réussie de la saga. Une faute que l'on peut imputer au délai très court entre l'écriture et la réalisation de ce sixième opus, sorti à peine un an après le cinquième épisode, laissant transparaître des choix narratifs frustrants, car ils sont entravés par des décisions qui affaiblissent les bonnes idées au lieu de les renforcer.


J'ai peur de ce que donnera Scream 7 ! Neve Campbell, reviens-nous !

Finissons-en !

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le 21 nov. 2023

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