Basé sur la série d’espionnage de webtoons Covertness (2010) qui a compte plus de 40 millions de pages vues sur internet, Secretly Greatly est une comédie d’espionnage qui a connu un énorme succès au box-office coréen avec plus de 5M d’entrées en deux semaines (dont 2 en moins de 72h) et finissant l’année à la 4ème position en Corée du Sud. Il doit son succès en partie à ces jeunes têtes d’affiche très populaires auprès du public adolescent (merci les dramas) qui s’est rué en masse dans les salles de cinéma. Alors est-ce que ce deuxième film du réalisateur du très cool Bedevilled (2010) mérite-t-il un tel engouement, aussi bien du public à sa sortie que des innombrables critiques dithyrambiques qu’on peut lire ci et là sur la toile (souvent de la part de jeunes adolescentes, il est vrai) ? En ce qui me concerne, j’avoue être bien plus mitigé… même chose pour ma femme. Notre fille de 13 ans a adoré elle, voilà qui est raccord.


Secretly Greatly met une fois de plus en scène une thématique chère au cinéma sud-coréen : les espions nord-coréens infiltrés dans leur pays. Sauf qu’ici, durant une bonne moitié de film, on les voit dans leur vie de tous les jours, le rôle qu’ils sont censés jouer et les difficultés que cela engendre émotionnellement. On a l’impression que le réalisateur essaie de véhiculer l’idée que nord-coréens et sud-coréens peuvent cohabiter dans la joie là où d’autres films ne font que faire passer la Corée du Nord pour le vilain petit canard dangereux. Il faudrait vraiment étudier en profondeur ce conflit Corée du Nord / du Sud pour voir réellement comment tout cela est vu par la population coréenne lambda. L’intention de modérer est louable, même si ce n’est jamais fait avec finesse. Comme souvent dans le cinéma sud-coréen, Secretly Greatly va mélanger les genres. Le film commence comme une comédie, qui nous montre un peu le rythme de vie de tout un pan de la population coréenne qui vit dans les bas quartiers, sans argent, mais avec malgré tout de la joie de vivre. Les gags ne sont pas toujours drôles (ils versent parfois vers le scato un peu consternant) mais dans l’ensemble, cela fonctionne plutôt bien. A mi-film, le rythme devient un peu plus brouillon. On a l’impression que le réalisateur ne sait pas trop comment introduire d’un côté les policiers sud-coréens et, de l’autre, les militaires nord-coréens. A partir de là, c’est le film d’espionnage qui va prendre le dessus et l’ensemble va se terminer sur de la bonne grosse action pour finir sur le bon gros drame larmoyant. La rupture de ton à mi-film est un peu trop abrupte, au point qu’on a presque l’impression d’être devant un deux films en un. Cette transition aurait mérité un peu plus de douceur, un peu plus de finesse, car elle a tendance à nous sortir du film durant quelques minutes.


Les acteurs incarnant le trio d’espions s’en sortent très bien. On est dans du jeu typiquement coréen mais malgré leur jeunesse, ils sont très crédibles dans leurs rôles respectifs (Kim Soo-Hyun incarne à merveille le benêt). Les vétérans Son Hyun-Joo et Kim Sung-Kyun sont, comme à leur habitude, impeccables. On s’attache aux personnages, aussi bien aux principaux qu’à toute cette galerie de personnages secondaires souvent loufoques. Malheureusement, les intrigues consacrées à ces derniers, bien que souvent intéressantes (la chanteuse bourrée, la maman d’adoption) manquent malheureusement cruellement de profondeur. Les scènes d’action sont un des points forts du film. Là où souvent le cinéma sud-coréen découpe beaucoup ses scènes d’action, ici c’est très lisible avec parfois même des petits plans séquences du plus bel effet. C’est brutal, assez violent, bien que parfois un peu trop exagéré (les sauts façon Matrix). Le long final est un bon gros morceau de bravoure mais il est malheureusement plombé par un final beaucoup, mais alors beaucoup trop larmoyant. Certes, il se dégage une certaine forme de poésie dans ce final, avec des personnages qui ont été élevés pour ne jamais avoir de sentiments et qui ne deviennent réellement « humains » que lorsqu’ils meurent. Mais on connait la façon de faire des coréens, avec leurs gros sabots, pour appuyer le fait que « c’est là qu’il faut pleurer ». Là, c’est tellement poussé à son paroxysme, avec différentes étapes qui vont crescendo pour faire monter toujours plus la larmichette, que ça en devient presque grotesque. Et puis au sortir du film, il n’y a pas besoin de réfléchir longtemps pour voir les trous scénaristiques et les incohérences du scénario. Les espions nord-coréens entrent et sortent de Corée du Sud comme d’un moulin. Pourquoi le héros a passé deux ans à faire l’idiot dans ce village perdu ? Pourquoi pas une vraie affectation, surtout lorsqu’on te fait comprendre que c’est le meilleur des meilleurs ? C’est quoi ce village perdu qui a presque plus d’espions nord-coréens que d’habitants ? Nous n’aurons jamais réellement de réponse et, au final, tout cela mis bout à bout, et alors que ça avait plutôt bien commencé, le résultat est clairement en demi-teinte.


Secretly Greatly est un film qui avait beaucoup de potentiel mais qui est quelque peu ruiné par une intrigue laissant trop de questions en suspens et un final beaucoup trop larmoyant juste pour être larmoyant. Il en résulte un film regardable, agréable, mais dont on sort un peu contrarié.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-secretly-greatly-de-jang-cheol-soo-2013/

cherycok
5
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le 23 janv. 2023

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