(Critique de la version intégrale de 4h35)
Cette ambitieuse fresque guerrière prend racine dans la révolte de la tribu aborigène Seediq, mené par le chef Mona Rudao, qui prirent les armes contre les colons japonais qui les opprimaient.
La grande qualité du film tient à sa description des us et coutumes Seediq qui sont montrés assez crument et sans jugement. On n'est pas chez Jean Rouch pour autant et l'ethnographie n'est pas poussé non plus à fond. On fait ainsi un peu rapidement l'impasse sur les femmes avec quelques simplifications aussi sur d'autres rituels. On voit que les concepteurs du film cherchent à faire du cinéma d'action avant tout pour s'intéresser principalement aux mœurs belliqueuses des Seediq, composés eux-mêmes de différentes tribus qui se livraient entre eux à de violentes guerres, avant et pendant l'occupation japonaise. Et ce ne sont pas des enfants de cœurs : pour prouver qu'ils sont des hommes, ils doivent décapiter un ennemi et rapporter la tête en trophée. Ce qui leur donne droit à un tatouage au visage, signe de leur bravoure et qui leur permettra d'accéder au paradis (en franchissant un arc en ciel). Bref, quand il s'agit de se battre, ça ne badine pas et ça tranche direct selon Gaya, leur code d'honneur et croyance.


La première partie du film présente rapidement la jeunesse de Mona Rudao avant de s'attarder sur les humiliations et le mépris que témoignent les Japonais. La nouvelle génération qui n'a pas connu leur implantation par la force possède un désir de revanche tandis que les plus âgés savent qu'en cas de révolte, les représailles signeront la fin des Seediq. Mais inévitablement, la succession de brimade va atteindre le point de non qui se manifestera par le massacre du village Wushe. L'occasion pour la tribu de se venger mais aussi de pratiquer un rituel par le sang qui est l'occasion pour les plus jeunes d'obtenir leur précieux tatouages. Une attaque violente et barbare qui n'épargne personne : femme, enfant, vieillard... Tout y passe tant qu'il s'agit de japonais, qu'ils soient innocents ou bienveillants envers les aborigènes.
Cette première partie aborde ainsi pas mal de thèmes intéressants sur la civilisation/colonisation et surtout l'identité. Jusqu'à quel point par exemple les chef de villages doivent-ils accepter de subir la haine japonaise pour préserver leur culture sachant que vivre pacifiquement et passivement n'est pas dans leur logique et que cela empêche les plus jeunes d'accéder à leur paradis ? Quelle est également la place des Seediq qui acceptent de vivre à la japonaise ?
C'est plutôt bien écrit et assez prenant pour que la première moitié ne soit jamais ennuyante et redondante même si le manichéisme est assez présent. Celà dit plusieurs séquences nuancent le contexte comme le Seediq marié à une japonaise ou le fait de ne pas cacher les exactions sans pitié des autochtones.


La deuxième partie est beaucoup plus consacré à l'action avec les Seediq ayant pris le maquis qui tentent de lutter face à la contre-attaque japonaise. Leur ruses en font d'ailleurs des combattants redoutables. Cette seconde moitié est également plus dramatique puisqu'on sait que cette rébellion est de toute façon condamnée d'avance. On trouve ainsi des séquences assez fortes où les femmes ne pouvant prendre part au combat organise un suicide collectif tandis que le "métis" doit assassiner sa famille avant de se donner lui même la mort. Si ce genre de moments sont filmés avec une dignité vraiment poignante, on évite pas un nationalisme tonitruantpar la suite qui confine au grotesque comme lorsque le gosse de 12 ans muni d'une sulfateuse se transforme en véritable Rambo et décime à lui tout seul des douzaines et des douzaines d’adversaires.


Dans l'ensemble, si c'est solidement filmé, il n'y a aucun génie et ce n'est pas aussi épique qu'on pourrait le fantasmer mais les scène d'actions sont très bien faîtes, efficaces, lisibles, bien découpées, parfois intenses et nerveuses. Et elles sont en grand nombre. Il y en revanche un certain nombres d'effets spéciaux pas toujours heureux comme des chutes de rochers ou des explosions. Le plus gênant réside dans les séquences avec les avions qui sont pour le coup vraiment laides. Autres regrets, la photographie est parfois très bricolée numériquement avec de temps en temps des potards à fond dans la saturation ou la luminosité pour des couleurs brûlées.
Après, il faut reconnaître que le film n'a coûté "que" 25 millions de dollars, somme cela dit considérable celà dit pour Taïwan. John Woo a d'ailleurs participé au financement du film alors que le cinéaste avait du mal à boucler son budget.

anthonyplu
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le 19 déc. 2017

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anthonyplu

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