En 2019, Dominik Moll revient au genre qui lui avait valu la reconnaissance, notamment avec Harry, un ami qui vous veut du bien : le thriller. En adaptant le roman Seules les bêtes de Colin Niel, le cinéaste s’offre un terrain de jeu idéal pour un film plein de mystères.


L’introduction a de quoi nous mettre directement en alerte. Le spectateur renseigné sait que la majorité de l’intrigue va se dérouler dans le Massif Central, dans un hiver enneigé et froid. Or, le film s’ouvre sur l’image d’un jeune ivoirien qui transporte une chèvre en moto. Une introduction presque dépourvue de dialogue, avant de nous mener, en effet, dans le froid d’un hiver français, où l’on découvre de nouveaux personnages, notamment Alice, qui tient une exploitation agricole avec son mari, et qui donne son nom au premier chapitre du film. On découvre rapidement un quotidien fait de solitude, d’adultère, où des individus taiseux et blasés mènent une existence figée et relativement triste.


Le climat dans lequel se déroule le film a justement pour particularité et pour objectif d’immerger le spectateur dans cette froideur ambiante, de la lui faire ressentir. D’abord perturbée par un fait divers, l’intrigue de Seules les bêtes suit ensuite un schéma singulier où la narration semble aller à rebours, recollant les morceaux visant à résoudre le mystère de ce fameux fait divers, mais également d’apporter d’autres révélations surprenantes. Il s’agira d’ailleurs, à ce sujet, de ne pas forcément s’y attarder davantage ou trop en détail ici, au risque d’ôter au film un certain effet de surprise. Seules les bêtes raconte, confronte et associe les destins d’individus désespérément seuls, plongés dans un vide affectif qui rend également leurs propres vies vides. Seuls, ces personnages n’en sont pas pour autant isolés.


Découpé en chapitres comme le livre, le film repose principalement sur sa structure pour exposer ses vérités au spectateur. Un dispositif qui fonctionne, d’ailleurs, en nous poussant à assembler les pièces d’un grand puzzle. Volontairement très mystérieux, notamment dans sa première partie, le film se fait parfois trop évocateur, à l’image d’un sorcier des temps modernes qui dit à un jeune homme demandant ses services : « Le hasard est plus grand que toi. » Une phrase volontairement percutante, résonant dans la tête du spectateur comme la règle d’or, la clé de l’énigme. Une démystification qui ferait presque penser à une volonté de nous faire comprendre qu’on serait dans un grand tour de magie, mais disons qu’il s’agit plus d’intensifier la tension à l’approche du dénouement final.


Seules les bêtes réussit son pari en jouant avec le temps et avec les situations pour nous mettre face à une vérité surprenante. Les acteurs, avec des noms bien connus figurant en haut de l’affiche, sont également au rendez-vous, pour incarner ces personnages jouant sur les apparences, qui cachent toujours de profonds tourments. On se demande dans quelle mesure un tel film peut survivre à un second visionnage, si la connaissance de tous ses tenants et aboutissants permet de l’aborder sous un autre angle. Dans tous les cas, Seules les bêtes est un beau succès.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

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le 19 janv. 2023

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