Encore un cri que personne n'entend ! Encore un film qui nous alarme et nous regardons sans voir !

Après ce film et Le Silence des agneaux il y a eu toute une mode de thrillers glauques et bourrins, dont beaucoup de merdasses du dimanche soir pour la télé. Jusqu'à il y a peu je n'avais vu aucun de ces deux "patrons" mais évidemment je n'étais pas passée entre les mailles du filet et j'ai subi quelques-unes de ces horreurs complaisantes qui leur servent de coulante (malgré eux : ce n'est pas un reproche). Toujours la même recette débile, avec des enquêteurs blasés, refoulés ou jeunes cons qui font face à la soit-disante méchanceté absolue du monde incarnée dans un mec trop bizarre qui a abusé de jeux vidéos ou de death metal.


Je ne dénoncerais pas ce Seven pour autant. Toutefois je trouve son 'délire' significatif pour l'époque et son succès enfonce le clou. En fait je vois Seven non comme un responsable de la banalisation du cynisme (dans les films de suspense et d'horreur) mais comme un symptôme savant. Je dis savant dans le sens où il y a encore de la culture là-dedans et surtout que ça s'imprègne bien de son temps, des moeurs, du moral et des rêves ou non-rêves des gens et de la société. Je fais partie des gens qui ont conscience qu'on est pas indépendant de la société : je le dis pour que ce soit bien clair et que vous n'ayez pas l'impression de vous faire manipuler. Au passage ce film témoigne de la même connaissance il me semble, tout comme l'intégralité des choses ou des gens qui parlent du sérieux, c'est-à-dire du monde réel, qui est objectif et ne dépend ni ne part de l'individu. Désolé pour certaines branlettes idéologiques mais c'est comme ça.


A-priori je semble m'écarter du sujet. Au contraire j'y suis entré au plus profond ! Seven nous montre une société qui est une caricature de la nôtre, avec un coin des Etats-Unis qui réunirait tous les vices que nous côtoyons plus ou moins. Rien dans ce film n'est inventé, on ne fait que porter un regard biaisé plein d'amertume, qui ne verrait que les cotés malsains de la chose (et le tueur tombe là-dessus pour jouir et sévir, en souillant au passage une saine mission). Je dis bien la chose et je parle de la cité car c'est ce qu'est devenue la cité : une créature à elle toute-seule, faite de miasmes et de putréfactions, une créature sans volonté propre mais bouffée au propre et au figuré par les passions, les vils divertissements et les bas instincts. Dans cette cité il n'y a pas d'unité et c'est ce qui la rend si abjecte. La tristesse y règne car l'individu est impuissant, prisonnier des déjections des uns et des autres, condamné à la névrose et à l'aigreur au mieux.


Quelqu'un qui partirait en croisade finirait probablement comme le vieux flic interprété par Freeman : et c'est sa meilleure possibilité ! A part fuir il n'y a rien de bon à faire : pour cette ville c'est donc fini ! Oui mais la Sodome & Gomorrhe est présente et ne tient pas qu'à la ville ; en partant pour "ailleurs" on se sauve en tant qu'individu, mais pour quoi et pour combien de temps ? Les murs n'arrêtent pas les vices, ni les frontières ! Un redressement ne peut venir que de l'extérieur et d'une autorité qui dépasse ces tristes petits humains, livrés à leur sort, résistant vainement, se cachant bêtement, ou cédant aux 'joies' du vice, de la maladie, de la perversion. La pente naturelle de l'Homme, lorsqu'il n'a plus d'autorité pour le cadrer, plus de morale pour le conduire et lui rappeler l'extérieur, c'est de s'abandonner à son bon plaisir, prendre ses pensées pour des réalités, croire que son monde c'est le monde.


Voici exactement comment on passe de la civilisation à la sauvagerie : en jetant aux oubliettes toute transcendance, c'est-à-dire en décidant que tout vient et passe par son petit soi et que c'est tout. Nous ne pouvons être notre propre fin ! Le résultat de cette dégradation c'est devenir un déchet de plus dans une masse grouillante de vautours et de fous ! Ce nihilisme est le dernier stade avant l'horreur pure et dure, l'anomie et le règne du mal : et nous y sommes déjà habitués ! C'est ce que dit Seven : officiellement nous n'en sommes pas là, concrètement nous savons que ça existe mais peu admettent que ça presse, ou alors se mettent la tête sous le tapis. Ou sont tellement sous hypnose qu'ils n'évaluent plus que l'effet sur eux de ce qui arrive : j'ai eu chaud, j'ai eu peur, j'ai eu du plaisir : et là nous arrivons aux réactions devant ce film, incroyablement superficielles, au point d'en faire un "chef-d'oeuvre" ou un "superbe thriller" parce qu'on en a bien pris plein la face.


Par conséquent il y a tout lieu de s'inquiéter de cette normalisation, qui au mieux prépare l'avènement de l'auto-mutilation absolue de l'Humanité ! Mais comme nous le souffle ce film (parfois vulgaire dans ses démonstrations, mais qui n'en demeure pas moins parfaitement sensé) : nous sommes prêts pour le passage et nous avons déjà presque totalement oublié qu'il pouvait y avoir mieux. Et surtout qu'il DOIT y avoir le Bien, que nous devons y travailler même quand les temps sont difficiles. Et nous faire perdre de vue cette normalité, tellement évidente, c'est la marque ultime de la victoire de cette abomination qui viole les âmes et les rend esclaves. Les horreurs ne seraient pas plus douces, l'abîme pas moins profond, mais au moins nous saurions que tout ceci n'est pas normal, que c'est la mauvaise pente et qu'il y en a donc une bonne, à préférer en toutes circonstances.

Créée

le 20 juil. 2016

Critique lue 604 fois

4 j'aime

6 commentaires

MicheMicka

Écrit par

Critique lue 604 fois

4
6

D'autres avis sur Seven

Seven
Veather
8

Le sang coule dans Seven

Edit: Notez la subtilité du titre, que tout le monde n'a pas remarqué, apparemment. Chère lectrice, cher lecteur, si tu n'as pas vu Seven, je te déconseille de lire ce qui va suivre. Ce film mérite...

le 7 févr. 2015

155 j'aime

30

Seven
DjeeVanCleef
9

Merci.

Le plus étonnant c'est qu'il suffisait de réfléchir un instant, de ne pas jeter ton flingue mon bon Somerset, pour qu'aujourd'hui je ne sois pas éternel. Enfin pas vraiment moi, mon œuvre. C'était...

le 30 juil. 2013

154 j'aime

15

Seven
drélium
7

Critique de Seven par drélium

Avec spoilers. Je me souviens encore sortir du cinéma en 96 violemment claqué de façon inédite, pas une claque usuelle. Ce film était oppressant, suintant, dégoulinant, désagréable, répulsif et...

le 8 mars 2013

142 j'aime

39

Du même critique

Mulholland Drive
MicheMicka
6

Le film (beau et malin) qui se regarde trop le nombril

Je connais bien Lynch car on me l'a infligé à une époque. J'ai bien aimées certaines choses mais avec le recul. Au départ j'ai été dérangée moralement (Blue Velvet) ou intellectuellement (Eraserhead)...

le 4 mai 2014

16 j'aime

9

La Nuit des masques
MicheMicka
1

Halloween le film malade et démoniaque

Ce film démoniaque qu'est Halloween m'a traumatisée quand j'étais jeune. Je pèse mes mots : démoniaque. J'ai fait des recherches et il se trouve qu'il y a des coupables : et en particulier John...

le 5 mai 2014

14 j'aime

23

Troll
MicheMicka
7

Vous pensiez savoir ce que c'est un troll, la les gars vous allez vous sentir minables

Bon attention c'est a chaud et la j'ai besoin de m'asseoir. Vous me direz pour écrire c'est mieux. Quelque part c'est pas le sujet alors fermez la. Bon on se concentre. Alors deja je précise j'ai pas...

le 7 mai 2014

13 j'aime

20