Sexmission
6.2
Sexmission

Film de Juliusz Machulski (1984)

Donc, Sex Mission, de quoi ça parle ?
En fait l'argument de départ ressemble à un clone de La Planète des Singes un peu coquin dans lequel les femmes remplaceraient les chimpanzés (dis comme ça, c'est terrible...). On a donc deux volontaires masculins pour une expérience scientifique qui sont mis en hibernation et qui se réveillent 50 ans plus tard. Ils s'aperçoivent petit à petit que la gente masculine a complétement disparue de la surface de la planète et que la société est devenue ce qu'on pourrait appeler une "dictature féministe", où l'on éduque aux enfants que de l'homme vient tout les maux de la terre et que tout va beaucoup mieux depuis qu'on l'a éradiqué, cet enfoiré. Pitch pas plus con qu'un autre et qui peut engendrer quelques pistes de réflexions intéressantes : ok, c'est parti, on lance le truc.

Première réflexion :
PUTAIN, C'EST KITSCH !

Pardonnez mon langage, mais il faut avouer que la direction artistique, typiquement 80's, n'a pas super bien vieillie. Difficile d'en faire abstraction, tant ce côté "cheap" ressort tout le long du film. Des néons, du lens flare, des murs en plastique avec le minimum de décorations : bienvenue dans le fioutoure. A ceci, on rajoute la traditionnelle bande-son à base de synthé et de simples costumes militaires. Bref, ce n'est pas sur cette aspect que le film s'avèrera révolutionnaire. Il en est de même pour la mise en scène, qui ne dépasse pas souvent le niveau du fonctionnel. Le premier tiers s'avère d'ailleurs assez pénible puisqu'il se passe dans un décor quasi-unique et que les plans manquent diablement de variété.

Mais puisqu'un film ne saurait se résumer à son esthétique, intéressons-nous un peu au reste. La galerie de personnages s'avère assez réduite, on s'intéresse principalement à nos deux mâles rescapés. On a affaire à un duo comique classique, avec un chien fou un peu con-con, et un mec plus sage, plus réfléchi. Hélas, le chien fou n'est guère développé au-delà du cliché, et le sage, plus intéressant car plus ambigu, est trop en retrait. A ceci, il faut ajouter deux personnages un peu développés, avec la dirigeante de tout ce joli monde de totalitarisme féminin, et une scientifique qui finira séduite par notre chien fou sur laquelle je reviendrai plus tard.

Concernant le rythme du film, il est assez inégal. La première partie, par manque d'enjeux, est de loin la plus laborieuse : nos deux héros sont placés en huis-clos et il ne s'y passe pas grand chose en dehors d'informations sur le contexte, distillées au compte-goutte. Par la suite, cela s’accélère peu à peu, des scènes d'action apparaissent et on finit par se prendre au jeu jusqu'à une résolution peut être un peu facile, mais néanmoins plaisante. Par ailleurs, bien que le film soit étiqueté sous l’appellation "comédie", il y a peu d'éléments comiques hormis quelques gags éculés (pied dans le seau, balai dans la figure, tarte à la crème, etc.) et une légère satire du communisme.

La société que le film décrit est intéressante à plus d'un titre : tout d'abord, en le replaçant dans le contexte de sa production. Dans les années 1980, le communisme s'effrite peu à peu, jusqu'à s'effondrer lors de l'épisode du mur de Berlin. La Pologne n'échappe pas à la règle et des mouvements contestataires apparaissent dès 1980, avec la création d'un syndicat indépendant et des mouvements de grèves de plus en plus marqués. Sex Mission s'inscrit dans cette mouvance en caricaturant de nombreux aspects du communisme (organisation, propagande, déformation des faits, répression des mouvements d'opposition et j'en passe), sans jamais nommer ce dernier. Notons également quelques références bibliques et philosophiques pas forcément hyper pertinentes, mais plutôt marrantes.

Par ailleurs une des idées motrice du film est l'opposition entre une société où tout est artificiel et notre duo masculin, forcément beaucoup plus naturel. En effet, conséquence de l'industrialisation à outrance et d'une diabolisation du mâle séducteur (se servant de l'attirance physique pour soumettre la femme), les individus évitent au maximum toute sensation. Pas de contact physique, les aliments n'ont aucun goût, toute attirance entre les individus n'existe plus, et d'ailleurs toute individualité est reniée. Effet secondaire de tout ceci, toute pudeur a disparu : ben oui, la pudeur étant lié à l'interdit du sexe, si ce dernier n'existe plus, elle est forcément amené à disparaître. C'est à mon sens une des quelques bonnes idées du film, bien qu'il y ait à cause de cela de petits plans nichons gratuit (tiens, bonjour madame, mais qu'est-ce que vous faites là ?).

Ceci dit, tout n'est pas exempt de défaut là encore, puisque si cette opposition n'est pas inintéressante, il manque malgré tout quelque chose. Revenons un instant sur le cas de la scientifique séduite par un de nos homme. Celle-ci représente le passage du monde de "l'artificiel" à celui du "naturel" et on est donc tenté d'en faire un personnage central de l'intrigue. Sauf que ce n'est jamais vraiment le cas : le passage d'un monde à l'autre est réduit à sa plus simple expression et hormis deux ou trois scènes, le film ne se concentre jamais sur elle. Du coup, forcément, le personnage paraît complètement sous-développé comparé à son potentiel.

Par ailleurs, sans aller accuser le film de machisme, les deux héros parle un peu trop d'ordre naturel des choses à mon goût (on les entends plusieurs fois dire "ce que vous faites n'est pas naturel", sérieusement, on dirait un slogan contre l'avortement). Que ce soit dit une fois, ça peut se comprendre, mais ad nauseam, ça donne surtout l'impression que les personnages n'évoluent pas, en plus d'avoir un sous-texte légèrement nauséabond. Dans le même ordre d'idées, il suffit d'un baiser pour que la scientifique se remette sur le "droit chemin". Il y a, heureusement, une période de transition avant qu'elle prenne le parti de nos deux mâles, mais il manque à mon sens une réaction de dégoût, de rejet (ce qui me paraîtrait normal, on parle après tout d'une société où les femmes sont conditionnées pour détester les mâles). Dans le doute, parlons de facilité scénaristique.

Pas vraiment coquin, jamais hilarant, Sex Mission s'avère être un film de SF parfois intéressant mais laborieux dans l’exécution. La faute à une direction artistique datée, aux personnages sous-développés et à un pitch qui ne dévoile jamais tout son potentiel. Malgré cela, le film se suit, grâce à un mélange entre le charme des films bis cheap et une satire bon enfant, et quelques bonnes idées ça et là. Un peu maigre, néanmoins.
KreepyKat
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Créée

le 9 août 2014

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