[Critique & analyse de la saga]
Il est toujours amusant de constater que -et comme le révèlent les commentaires- la majorité des spectateurs ignore le caractère volontairement nanardesque des films à la Sharknado (loin d'être un OVNI cinématographique ; le genre est foisonnant, sans relever ni du mockbuster ni strictement de la parodie contrairement à ce que j'ai pu lire), et à la recette pourtant bien huilée.
Scénario absurde (euphémisme), incohérences à répétition, répliques on ne peut plus "à côté de la plaque" et jeux mauvais (forcés ou décalés, à ce titre la part belle à Ian Ziering excellent dans cette approche) signent les nanars du genre, au point d'en provoquer le rire. Le rire, oui, tout le but recherché. Un rire particulier, nerveux pourrait-on dire, déclenché lorsque les chaînes logiques sont régulièremenent et brutalement rompues (un peu à l'instar de certaines YTP ou "Youtube Poop" pour les connaisseurs). Cette recette fonctionnait, les premiers Sharknado ayant fait du "bon mauvais", mais peut-être de moins en moins au fur et mesure que les épisodes révélaient graduellement un grotesque calculé, se voulant excessivement comique pour l'être réellement. Car là réside, théoriquement, la subtilité de ces nanars ; ce ne sont ni des films d'action au premier degré, ni des films comiques à la Scary Movie. Pour être bons, ils doivent donc être dans un subtile entre-deux de sérieux et de risible.
Si Sharknado 1 était une tentative modeste et probablement authentique, il était parvenu à intriguer et fonctionnait en tant que nouveau nanar volontaire. Les épisodes 2, 3 avaient réussi à affiner la recette et à optimiser les éléments qui prêtent à ce rire nerveux, en dépit de rompre les codes à travers une augmentation significative et clairement visible du budget, ainsi qu'une tendance à s'approcher de plus en plus du parodique explicite (e.g., Star Wars, Pirates des Caraïbes), notamment à partir du 4, et le 5 ayant certainement trop tiré sur la corde (e.g., toute la trame autour d'Indiana Jones). Progressivement mais sûrement, le côté crédiblement mauvais se perd. Le spectateur est happé par une production qui martèle : "regardez à quel point c'est n'importe quoi, c'est drôle hein ?" et qui ne cherche alors plus qu'à répéter la recette en l'amplifiant, seul prétexte pour légitimer l'enchaînement d'épisodes et le cash-flow qui s'en suit (Sharknado est un succès commercial rappelons-le).
De temps en temps, un cheat meal burger, ça peut être sympa. Par contre un burger dans lequel on aurait vidé tous les tubes de sauce disponibles, c'est immangeable, ça ne procure même pas ce petit plaisir coupable propre à la malbouffe. Car il y a une différence entre du "bon mauvais" et du "mauvais mauvais", la saga Sharknado finira par lasser et s'arrêtera à l'épisode 6. Elle laissera tout de même certaines scènes cultes (e.g., John Heard et son tabouret dans le 1, les plot twist dont celui du 2 sur l'immeuble avec l'électricité, l'opening du 2 dans l'avion, le personnage de David Hasselhoff dans le 3, l'opening de la descente en voiture au sein de la tornade dans le 4, le scientifique-steampunk et son airship dans le 5, etc.) promettant quelques tranches de rires mémorables.
Une expérience pour le moins singulière.