Si tu tends l'oreille
7.3
Si tu tends l'oreille

Long-métrage d'animation de Yoshifumi Kondo (1995)

Session Ghibli, quatrième séance : Si tu tends l'oreille

Pour lire en musique, une reprise de la version japonaise de Country Road par le studio Goose House.


Premier et dernier film réalisé par Yoshifumi Kondo, mort tragiquement à 47 ans des suites d'un anévrisme, Si tu tends l'oreille détonne au milieu des production de Miyazaki et de Takahata. Ce devait être le film qui lancerait la carrière de Kondo et permettrait à Hayao de prendre une retraite bien méritée.


Kondo nous livre ici un film unique, porté par un élan poétique profond qui séduit son spectateur. Loin des thèmes surréalistes et épiques des œuvres précédentes du studio, l'attention est portée sur une petite fille ordinaire de la banlieue de Tokyo, Shizuku. Collégienne à l'appétit littéraire insatiable, elle trouve dans chacun de ses livres le nom d'un jeune garçon, Seiji Amazawa qui ne cesse de l'intriguer. Un beau jour, poursuivant un énorme chat du nom de Moon, elle découvre une mystérieuse boutique.


Si les thématiques n'ont pas cette dimension épique et mystique que peuvent contenir les autres œuvres du studio, Kondo n'en développe pas moins une atmosphère envoûtante et nous transporte entre paysages urbains baignés dans la brume du matin, intérieurs chaleureux au charme unique et onirisme spectaculaire issu de l'imaginaire de Shizuku. La qualité graphique de chaque scène est à mettre au crédit de son dessin, à la fois précis et foisonnant pour l'arrière-plan et les décors mais léger, aérien et gracieux pour les personnages. On reconnaît dans son esthétique une influence toute Miyazakienne.


En suivant le déroulement des saisons en compagnie de cette dernière, on suit son évolution au rythme tranquille de la vie. Certes, c'est lent mais qu'importe tandis qu'on se retrouve bercé par une bande-son d'une qualité rare qui porte le visuel à tout moment. Et que dire de ces arrangements du Country Road que Shizuku produit tout au long du film et dont chaque interprétation sublime le film.


Brillant par la simplicité de son scénario, Si tu tends l'oreille capte parfaitement l'essence de ses personnages et les enjeux qui sont ceux de cet âge. Au temps des premiers amours vient aussi le besoin de s'affirmer, de découvrir ce que l'on est et ce dont on est capable. Kondo excelle à insuffler une âme à ses personnages pour lesquels on ne peut s'empêcher d'éprouver un attachement profond. Les parents de Shizuku poussent leur fille à poursuivre ses rêves, même au détriment de ses études, tandis que la grande sœur se place elle dans cette tradition bien nippone d'excellence et tente désespérément de remettre au travail sa frangine absorbée par la rédaction de son livre. Shizuku, elle, va chercher soutient et réconfort dans la boutique tenue par l'affable artisan Shiro Nishi qui fait figure de havre de paix. Et tandis qu'on découvre avec elle cet intérieur magique le regard est capté par la figurine du Baron et ses yeux d’émeraude scintillants


Contemplatif, hypnotique, Si tu tends l'oreille ne séduira pas les plus nerveux d'entre nous. Berçant son spectateur dans un couffin de bonne humeur et de joie tranquille, Kondo développe avec un rare brio une histoire d'une simplicité déconcertante. C'est un genre de film que j'affectionne énormément, celui qui ne te prends pas par surprise mais t'attrapes par la main et t'entraîne doucement dans son univers jusqu'à te faire oublier le tien.
A voir et re-voir sans cesse.

Créée

le 13 mai 2015

Critique lue 603 fois

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Petitbarbu

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