Philippe Clair est mort.
Comme tout le monde, j'ai vu au moins un de ses films. On a tous patienté devant les gesticulations de ces ratés qui venaient cachetonner dans ces impasses artistiques tournées au Maroc ou en Tunisie pour pouvoir se rincer l'oeil face à une paire de seins et un string-ficelle.
C'était un autre temps.
J'ai revisionné un extrait ou deux, pour rendre hommage : au bout de quelques secondes, je me sens aspiré par un vide sidéral. Le temps devient solide, la vie, comme du sable, file entre mes doigts. Chaque seconde est perdue, volée. Philippe Clair est un vampire, un broucolaque au teint cuivré, il fait sa table de mon âme.
Je ne connais pas l'ennui, mais ces gesticulations, ces cris, ces poursuites autour d'une table, d'une chaise, ces portes qui claquent, provoquent en moi ce qui s'en rapproche le plus, et c'est effrayant. Une odeur de mort, le poids de l'âge, la faucheuse qui me souffle dans la nuque, en se réjouissant de me voir perdre mon temps devant ces infamies.
Philippe Clair, c'est la fabrique du néant. Avec les mêmes ingrédients que n'importe quel cinéaste, il pond du vide. On lui donnerait de la bonne viande, des légumes, des épices, il produirait un plat au goût de papier cul. Son manque de talent mets en colère, révulse, donne envie de le gifler.
Je subis la même torture devant tous les nanars de même acabit, mais aussi devant la grande majorité des comédies musicales (surtout aquatiques), des westerns (surtout de Sergio Leone), des spectacles de cirque, des stand-upers, des films français, et lorsque je converse avec des gens ordinaires.