Mettons les choses à plat immédiatement : amis répulsifs de Sin City - premier du nom -, passez votre chemin. Car en surface, rien ne change du côté de la ville du pêché.

Il y a (déjà) près de dix ans, Sin City sortait en salles. Il était alors présenté comme "en avance sur son temps", représentait une réelle révolution visuelle, et Robert Rodriguez conquérait le Prix de l'Artiste-Technicien au festival de Cannes édition 2005.

Cette fois-ci, c'est clair : pas de révolution. Dès cette scène introductive et l'arrivée de Marv (Mickey Rourke) s’extrayant de la carcasse de sa voiture, on saisit l'aspiration de Rodriguez et Miller : renouer avec l’esthétique numérique sombre et ultra-léchée de la BD. Autrement dit, ne rien changer. Ni par rapport au roman graphique originel, ni par rapport au premier opus. Et construire non pas une suite, mais bel et bien une entité complémentaire du film de 2005. S'il est une nouveauté qui est la bienvenue en revanche, c'est assurément celle de la 3D. Du splendide générique d'ouverture au travelling final en passant par les cascades en tous genres des acteurs, la perspective visuelle est constamment mise au service de cet univers hybride sans aucune crédibilité (et qui n'a pas la prétention d'en avoir), entre arrière-plan décoratif sommaire et hyper-informatisation des images.

Malheureusement, il y manque l'effet de surprise, du rebondissement impromptu, voire de la folie psychique irréaliste. Là où une scène de décapitation déroutait dans Sin City, une autre similaire de chirurgie gore ne fait qu’écœurer dans Sin City 2 ; sans doute par effet d'usure, mais pas seulement. Le risque de l'indigeste n'est que partiellement évité, et vient ternir un peu plus un tableau global qui souffre déjà de deux défauts majeurs : un désordre scénaristique étourdissant (certaines séquences sont des prequel, d'autres des suites) et une narration à la première personne très peu inspirée -alors que celle du précédent film était prodigieuse.

Pour le reste, Nancy (Jessica Alba) et son déhanché vieillissent assez mal ; les scènes de poker demeurent sous-exploitées le versant pas totalement assumé de l'antihéros rend le film moins badass qu'il devrait l'être. Autre point important : au royaume des gueules cassées et des membres découpés, Mickey Rourke reste le roi, les quelques répliques marquantes en moins.

En réalité, le film opère un nombre significatif de changements par rapport au premier volet, globalement assez discrets, mais pas forcément judicieux pour autant. On perçoit bien mieux, par exemple, la satire établie sur le pouvoir et la corruption ; ce qui enlève forcément un peu de démence au propos général, et y ajoute un zeste de politiquement correct en plus. Pas de quoi tergiverser non plus : l'essentiel de l'ambiance se résume toujours à un enchaînement d'action, de sexe et de testostérone.

Ce sont alors deux nouveaux venus - Joseph Gordon-Levitt et Eva Green - qui permettent au film de ne pas sombrer totalement dans la spirale infructueuse vers laquelle il fonçait à toute vitesse : le premier dégage une classe naturelle incontestable ; et la seconde... passe la moitié de son temps d'apparition dénudée. Chacun ses arguments.

Pas de quoi susciter un réel engouement, donc. Sin City : J'ai tué pour elle ne contentera pleinement ni les fans de la franchise, ni les réfractaires à l'imaginaire de Miller. Les seuls conquis seront (peut-être) les non-initiés.
critikapab
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le 21 sept. 2014

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