COLMAN DOMINGO : GRANDIOSE

Oui le synopsis tient sur un post-it, oui il n’apparaît pas très original, oui… Mais posez vous, oubliez vos a priori fermés et rentrez dans le film à bras ouverts !

Sing Sing est facilement l’une de mes expériences les plus « étranges » au cinéma. De mémoire, j’ai rarement ressenti autant de naturel, de sincérité et d’authenticité dans un film. Sans pour autant être emballé par les grandes lignes du scénario, le film a réussi à me mener au-delà.

En étant porté en majorité par des ex-détenus ayant suivi des programmes carcéraux autour du théâtre, le film fait effet d’un vent de fraîcheur. C’est assez remarquable la manière qu’ils ont de basiquement jouer… eux-mêmes ! A la fois drôle, touchant et n’hésitant pas à être émotifs, ces gars nous montrent une image rarement mise en lumière dans les milieux carcéraux, qu’il existe autre chose que simplement la violence et l’intimidation, qu’avant tout ces gens ont un coeur qui ressent, une certaine âme artistique et une féroce envie de s’évader le temps d’un instant à travers les histoires qu’ils racontent…

Les caméras de Greg Kwedar arrivent parfaitement à capter ces petits instants de grâce où les détenus sont habités par leur personnage. La caméra à l’épaule, la réalisation nous immerge dans ces moments via de nombreux contre plongé en plan épaule ou basiquement des plans visages très impactant.

Comment ne pas souligner l’exceptionnelle prestation de Colman Domingo (qui lui vaudra l’Oscar du meilleur acteur je l’annonce en avant première) ! Honnêtement on pourrait le regarder jouer pendant des heures avec son parler, son bagout charismatique et sobre à la fois, une putain d’éloquence… Un rôle taillé et brillamment écrit pour lui qui n’est pas sans rappeler celui d’Ali dans Euphoria. Absolument tout du personnage de Divine G est excellent. Même son rapport avec Divine Eye (Clarence Maclin, ancien détenu absolument brut de décoffrage) qui peut sembler cliché (le gentil leader contre le méchant dealer) est plus fin qu’il n’y parait.

Bien qu’une atmosphère assez légère plane, le film ne nous fait pas oublier que l’on se trouve dans l’une des prisons les plus sécurisées des Etats-Unis. Ici, ce n’est pas la dureté de la vie carcérale qui est mis en avant mais plutôt cette dualité entre « s’évader psychologiquement » et « emprisonnement réel ». Tourné pour de vrai dans la prison de Sing Sing, le lieu nous ramène constamment les pieds sur terre pour nous dire que ces petits moments de bonheur sont éphémères… Le passage où l’ex détenu vient leur raconter sa nouvelle vie est poignant, j’ai trouvé très symbolique sa manière de décrire la vraie vie après la prison : chaque petit moment peut être une joie, mais chaque peine te rappelle que tu es bien en vie, et que ça fait mal…

Enfin bref, je ne sais pas si je suis parti dans tous les sens, mais Sing Sing est avant tout un moment à capter et à décrypter qu’un simple film classique. Oubliez le scénario intrinsèque et vos clichés, concentrez-vous sur ceux qui rendent cette oeuvre unique, le coeur qu’ils mettent dans leur jeu d’acteur, l’espèce de volupté qui plane ne peut pas vous laisser indifférent. Colman Domingo y est merveilleux, prend à bras le corps son personnage de Divine G pour rouler tout droit vers les Oscars… Osez voir Sing Sing, vous vous y évaderez facilement…