Sirocco et le royaume des courants d’air
7.4
Sirocco et le royaume des courants d’air

Long-métrage d'animation de Benoît Chieux (2023)

L'ouverture des festivals se fait avec des films que l'on choisit méticuleusement. Que ce soit pour trouver un juste milieu entre impressionner et proposer un film assez mauvais pour pas faire de l'ombre à la sélection, tout en assurant un beau tapis rouge (comme The Dead Don't Die de Jim Jarmusch ou Eight for silver de Sein Ellis qui ont ouvert respectivement Cannes 2019 et Gerardmer 2022), ou des sélections particulières voulant être engagé (comme Annette de Leos Carax projeté lors de la première édition post-covid), les films d'ouvertures ne sont jamais choisi par hasard. Au Festival d'Annecy, les films d'ouvertures n'ont pas toujours été des films mémorables (à l'images du sympathique Minion 2) voire carrément à chier (à l'image de Josée les tigres et les poissons), et j'attendais l'édition qui aurait un film d'ouverture percutant. Cela tombe bien, le film d'ouverture de cette année, Sirocco et le royaume des courants d'air, avait l'air d'avoir une démarche artistique singulière, et est reparti avec le prix du public, prix qui fait son grand retour après plus de 5 ans d'absence.


Le film est vraiment à part, et désoriente très rapidement. Graphiquement le film est très beau, mais la quasi absence de contraste perturbe sur les premières scènes. L'univers est extrêmement riche, voire même trop riche, ce qui fait que film ne manque jamais en générosité, mais propose tellement qu'on a parfois du mal à suivre ce que l'on voit. Enfin par moment le film a de très belles idées de mises en scènes et de moments qui savent surprendre, notamment une scène de concert... mais le début du chant peut dérouter et faire rire tant cela peut ressembler à une imitation de Shakira. Ce n'est absolument pas pour critiquer le doublage (remarquable d'ailleurs) d'Aurélie Konaté qui n'a plus rien à démontrer en chant ou même en doublage, mais plus pour soulever des choix qui surprennent, qui sont audacieux, et qui par moment sont parfois trop audacieux. D'un certain côté, le film me rappelle beaucoup Saules aveugles, femme endormie de Pierre Földes dans sa manière de cultiver l'étrangeté et de parfois laisser sur le carreau. Sans nécessairement aller dans un extrême que peut proposer Pierre Földes dans son film, Sirocco et le royaume des courant d'air est un film dont on peut avoir du mal à rentrer entièrement dedans. Cependant, tout comme Saules aveugles, femme endormie, on finit par être happé par la finesse du film et à être profondément touché par ce que l'on voit.


L'un des atouts majeurs du film reste sa musique et son travail du son qui est bouleversant. Nombreux sont les moments où je me suis retrouvé à frissonner et à être troubler par la dimension épique et grandiose de certains morceau, ou d'autres thèmes plus délicat qui sont interprété avec une finesse d'horlogerie. Si l'on peut faire un parallèle évident avec le travail d'Hayao Miyazaki, notamment son côté créateur de mondes qui rattache le fantastique et le surnaturel avec des éléments de la nature comme dans Le Voyage de Chihiro ou Le Château ambulant, il serait faux que de résumer le film qu'à cela. L'hommage tend jusqu'à un travail du son et des ambiances qui prouve une inspiration profonde et assumé qui ne se résume pas à un simple travail graphique, mais plus que ça, il serait faux que de résumer le film qu'à cela.


Malgré ses grandes inspirations japonaises, le film n'oublie pas ses racines occidentales. Il propose un récit touchant sur une sororité entre plusieurs sœurs d'une même famille, dont les secrets et les non dits apportent une note douce amer à un récit jeune public parfois maladroit sur son début. On peut y voir une manière de penser les relations humaines comme un côté occidentaliste dans le cinéma japonais, notamment dans des films du studio Ghibli et son Souvenirs de Marnie. Mais ces rapports humains complexe et réalistes, ainsi que sa volonté de confronter le récit jeune public à une forme de dureté qui tend parfois à de l'horreur, sont d'une sensibilité et d'une précision qui ne pouvait provenir que d'un réalisateur baignant directement dans la culture occidental. Le film se révèle être un parfait mariage alliant la douceur du récit jeunesse, la complexité du verbe français, et l'imaginaire japonais. Tout se concrétise à travers un climax dans le désert, allant parfois à la frontière de l'imaginaire et du réel, qui laisse sans voix.


A l'image de son personnage Sirocco, le film est intimidant au premier abord, mais révèle très vite sa tendresse et sa sensibilité à travers des scènes fortes et émouvante qui parleront aux enfants comme aux adultes. Si les graphismes et certains points de l’histoire vous laisseront perplexe pendant un temps, vous y passerez très vite outre pour mieux découvrir un univers riche et splendide, rythmé par l'une des plus belles bande original que vous aurez écouté depuis un bon moment.


16,5/20


N’hésitez pas à partager votre avis et le défendre, qu'il soit objectif ou non. De mon côté, je le respecterai s'il est en désaccord avec le miens, mais je le respecterai encore plus si vous, de votre côté, vous respectez mon avis.

Youdidi
8
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le 30 oct. 2023

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