Critique remplie de spoilers
En un sens, la neige des Alpes rappelle les fonds blancs des shootings photo. Décor idéal, immaculé, que choisissent deux jeunes parents suédois pour mettre en scène leur petit bonheur de vacanciers bourgeois. Tandis qu’ils skient le jour dans des montagnes taillées pour correspondre aux images renvoyées par les campagnes de publicités des agences touristiques, la nuit se font entendre les canons déclencheurs d’avalanche.
Ce sera lorsque un de ces canons retentira en plein jour, pendant que la famille mange tranquillement sur une terrasse, qu’arrivera le drame : une avalanche s’approche, grandit, jusqu’à menacer d’ensevelir la terrasse, et fait déguerpir en trombe Tomas (qui aura néanmoins pensé à récupérer son téléphone et ses gants) loin de sa femme et ses enfants, qu’il laisse en plan, prêts à être ensevelis. Plus de peur que de mal, finalement, car l'avalanche s'arrête avant la terrasse, mais le drame est quand même arrivé. Une telle démonstration de lâcheté brise l’apparence :
«Derrière la façade du ravissement simulé, dans ces couples comme entre eux et leur progéniture, on n'échange que des regards de haine. »
L’apparence de famille ne parvient plus à cacher la misère des liens familiaux. Les câlins du couple non plus ne leur communiqueront plus aucune chaleur.
La honte de Tomas est écrasante, inavouable. Il lui est plus simple de passer pour un menteur pathologique que d’avouer sa propre petitesse. Même lorsque enfin il reconnaît ce qu’il a fait, dans un grand épanchement de sincérité accompagné de larmes et de cris, la scène est d’un ridicule impossible. Ce ridicule ne le quittera plus : les cris dans la montagne paraissent une mauvaise farce à laquelle personne ne croit ; le petit stratagème élaboré par sa femme Ebba, qui fait semblant d’être en danger pour qu’il vienne la sauver, est aussi incapable de redonner au spectateur la moindre estime pour le personnage ; la cigarette qu’il fume à la fin du film non plus, en prenant une posture virile, ne parvient pas à effacer son mouvement de lâcheté.
Cette lâcheté va ternir jusqu’à la sérénité de leur couple d’amis, auxquels Ebba va longuement raconter la scène, humiliant son mari. Après la soirée, la noblesse de cœur du roux hirsute Mats est mise en doute par sa jeune compagne, suggérant qu’il se serait comporté, dans la même situation, de la même manière que Tomas. Ce doute lui est insupportable, et il redoublera de zèle pour se comporter héroïquement, mais la vie bourgeoise n’offre que peu d’occasion de montrer sa valeur. Lorsque, quand tout le monde repart de la station, le conducteur de bus fait quelques manœuvres malencontreuses et que Ebba, se croyant en danger, fait une crise pour descendre du bus, Mats va se lever et tenter de calmer la situation de panique qui règne dans le véhicule, en ordonnant aux passagers de laisser les femmes et les enfants sortir en premier. S'ils peuvent paraître honorables à première vue, ses ordres de laisser les femmes et les enfants sortir en premier d’un bus à l’arrêt paraissent bien ridicules quand on y repense : il n’y avait pas le moindre danger.
Une fois que l'avalanche a levé le voile sur quel genre de personne était Tomas, une gêne s'installe et restera tout le reste du film. Cette gêne, c'est la vérité de Tomas apparue comme un coup de foudre en plein dans la famille.