Qu'on se le dise, depuis L'Enfer du Dimanche, ou il offrait les derniers grands rôles des carrières d'Al Pacino et Dennis Quaid (ainsi que les premiers grands pour Cameron Diaz et Jamie Foxx), notre bon vieil excité d'Oliver Stone avait passé un peu l'arme à gauche.
Alors que son pays et l'industrie du cinéma souffraient, lui perdait, dans le même temps, peu à peu de son mordant, rangeant gentiment dans son placard on costume de révolutionnaire extrême du cinéma US.


Les pieds fourrés dans ses pantoufles, les narines vierges de coke et la plume préservée de toute sodomie colérique, ils nous avaient pondu un Alexandre castré de toute folie, certes un brin culotté et léché mais loin des attentes que l'on avait pu avoir à son encontre, un World Trade Center propret, larmoyant mais beaucoup trop lisse (surtout de la part d'un type qui chiait allègrement sur son pays quelques années plus tôt avec les jouissifs U-Turn, Tueurs Nés, Platoon, Né un 4 Juillet, Wall Street ou encore Scarface); et si l'on reste indulgent avec son W (Josh Brolin forever), en revanche, son Wall Street : L'Argent ne Dort Jamais, film sur le fric pour faire du fric, nous amuse encore par ses vertus soporifiques.


Si son Savages, descente jouissive et cash dans l'enfer des cartels de la drogue, laissait présager que le bonhomme en avait encore sous le pied (il critique toujours autant la lutte antidrogue américaine, qu'il trouve inefficace), c'était surtout avec son alléchant Snowden que l'on pensait pleinement juger si son mojo était toujours en lui ou si celui-ci c'était barré en même temps que les 90's.
Ou l'histoire d'Edward Snowden, un ancien employé de la CIA et de la NSA ayant dévoilé au monde entier que les agences de renseignements américaines espionnaient qui elles voulaient, quand elles le voulaient, et ce en toute illégalité.


Un bonhomme à abattre donc, campé par le génial Joseph Gordon-Levitt et dont le script est une adaptation plus ou moins libre des bouquins The Snowden Files: The Inside Story of the World's Most Wanted Man signés Luke Harding et Anatoly Kucherena.
Hagiographie politique sur un parcours méchamment atypique, Stone mise tout du long sur un traitement linéaire pour rendre le plus accessible une histoire aussi fascinante que fourmillant de détails, d'un homme tiraillé par son humanité et son patriotisme, combattant avec conviction pour défendre ses valeurs et lutter contre l'injustice - à l'instar du Ron Kovic de Né un 4 Juillet - d'une nation prônant la surveillance de masse globale.


Subtil, pédagogique (même s'il perd cruellement en complexité et en pertinence) et menaçant à la fois (avec ces grandes agences de renseignements, montrés comme des organisations machiavéliques dignes d'un opus de la franchise 007, usant jusqu'à la moelle les failles de la Constitution US) dans sa description acérée du " Home of The Brave " devenu, depuis le 09/11, un monstre paranoïaque du tout contrôle et de la psychose sécurité; le cinéaste épouse totalement la conscience et l'honnêteté de son antihéros (qui sacrifiera sa vie entière pour les libertés individuelles de ses compatriotes), trop peut-être, tant outre la performance impliquée de JGL (qui trouve ici l'un de ses plus beaux rôles), le reste du casting, joliment prestigieux (Shailene Woodley, Nicolas Cage, Rhys Ifans, Melissa Leo ou encore Zachary Quinto), fait douloureusement figure de figuration de luxe.


Même si on lui préfèrera un poil plus le plus fourni et confidentiel Citizen Four de Laura Poitras (documentaire justement au coeur du récit), Stone fait de son Snowden une démonstration sobre et probante de son talent retrouvé, tout autant qu'une belle sonnette d'alarme pour le respect de la vie privée et des dangers de la surveillance globalisée.


Pas le brulot dénonciateur espéré certes, mais une mise en abyme solide et convaincante, servant de joli véhicule à Oscars pour Joseph Gordon-Levitt, qui mériterait amplement sa petite nomination en mars prochain...


Jonathan Chevrier


http://fuckingcinephiles.blogspot.fr/2016/09/critique-snowden.html

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le 10 oct. 2016

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