Solaris est le troisième film d'Andreï Tarkovski. Il vient directement après Andreï Roublev, autant dire que c'est le grand écart en termes de genre cinématographique, mais aussi de propos. Andreï Roublev, film historique sur l'art et la foi, Solaris, film de science fiction sur l'amour, la science et la morale - en caricaturant, bien entendu. Les deux parlent pourtant d'une seule et même chose : d'humanité.

Le film a véritablement deux parties. Dans la première, sur Terre, on découvre le personnage principal, Kris, un psy qui doit s'envoler pour une station spatiale près d'une planète mystérieuse, Solaris, la mission de cette expédition, et les déconvenues d'alors. L'océan de la planète semble doué d'une sorte de conscience, ne tardant pas à rendre fou les astronautes, qui reviennent tous sur Terre sauf trois. Dans cette partie, les éléments sont à l'honneur, comme d'habitude chez Tarkovski, et surtout l'eau : un étang calme, une pluie diluvienne. On comprend surtout que la relation entre le psy et son père n'est pas au beau fixe.

La deuxième partie se déroule dans la station spatiale. Très vite, Kris se rend compte que l'océan mystérieux parvient à créer des sortes d'humains immortels à partir de la mémoire des vrais astronautes. Pour lui, c'est son ex-compagne, Khari, qui s'est suicidée après une bonne relation toxique, il y a près de dix ans. L'histoire se développe alors, entre histoire d'amour, identité individuelle et moralité scientifique, les autres compères étant friands d'expériences sur ces êtres étranges, et souhaitant détruire l'océan pour mettre fin à ces abominations. L'homme doit-il poursuivre sa quête effrénée de connaissances, ou bien doit-il à un moment accepter ses limites ? Au fur et à mesure, la métaphore devient très claire, tant le côté science-fiction n'est plus qu'un prétexte pour parler principalement de la gestion du deuil : Kris n'arrivera jamais véritablement à oublier l'amour de sa vie. Ce qui rend d'autant plus terrible la dernière scène…

Kris retourne à la maison de la première partie du film, et on y découvre son père qui se fait tremper par la pluie en plein dans la maison. On comprend qu'il a débarqué sur Solaris, et qu'il n'est pas retourné sur Terre comme prévu. Il s'effondre alors dans les bras de son père, comprenant que cette fois, ce n'est pas Khari qui a été recréée par l'océan pour l'accompagner.

Je retiendrai aussi l'art et la technique de Tarkovski. Il s'agit de son premier film en couleur, et c'est réussi. Il s'est fait plaisir à filmer je ne sais quoi pour donner l'impression d'un océan multicolore, visqueux et menaçant. Dans Solaris, il crée aussi une ambiance inquiétante, à la limite de l'horreur, alors qu'absolument aucun élément objectif ne vient faire peur. Il gardera cette marque de fabrique dans les deux films qui suivront, Le Miroir et Stalker.

Samji
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films d'Andreï Tarkovski et Les films d'Andrei Tarkovski - Ordre chronologique

Créée

le 27 mars 2025

Critique lue 19 fois

1 j'aime

Samji

Écrit par

Critique lue 19 fois

1

D'autres avis sur Solaris

Solaris
Nushku
8

Solaristique & Métaphysique

L'esthétique de Solaris est un vrai délice, proche de l'avant-garde russe comme le constructivisme ou l'art de Malevitch (dualité représentée sur les deux affiches du film), jouant sur les formes...

le 17 févr. 2011

105 j'aime

5

Solaris
SBoisse
10

Le tout autre

Dans un proche futur, l’homme a découvert une planète recouverte d’un océan huileux qui pourrait abriter la vie. Une station spatiale est bâtie, des dizaines de chercheurs s’emploient à entrer en...

le 29 oct. 2018

55 j'aime

Solaris
DjeeVanCleef
10

L'aventure intérieure

Le choc indéniable : l'homme est le centre de l'univers. L'Homme : l'inconnu véritable. Solaris, La planète-divinité à l'océan tumultueux. Solaris, la promesse. Celle de tout recommencer. Elle te...

le 7 nov. 2014

55 j'aime

20

Du même critique

Le mal n'existe pas
Samji
5

Dersou Ouzala chez les cinglés

J'étais enthousiaste à l'idée d'aller voir Le mal n'existe pas : un film japonais, contemplatif et esthétique, un conte écologique, le tout par Ryusuke Hamaguchi, le réalisateur de Drive my car, un...

le 13 avr. 2024

41 j'aime

5

Look Back
Samji
5

Manga girl

Look Back est un objet curieux. Tiré d'un manga de l'auteur à succès de Chainsaw Man, manga hyper connu et gore à souhait, il dépeint ici l'apprentissage du manga par deux adolescentes qui vont...

le 29 sept. 2024

12 j'aime

J'ai perdu mon corps
Samji
4

Passez votre che-main

J'ai perdu mon corps est le film typique d'une fausse poésie. En enlevant la seule originalité du film, qui consiste dans les pérégrinations d'une main coupée à Paris pour retrouver son propriétaire,...

le 20 févr. 2023

10 j'aime