J'avais envie d'écrire "tout part d'une bonne intention". Celle de montrer à un public que le rap, ce n'est pas juste balancer des "check check yo bitch fuck yo" et que s'il en est là où il est aujourd'hui (analysé, utilisé, écouté, etc) c'est grâce à des passionnés de la première heure et autres orfèvres de la rime.

Mais avant tout, Ice-T a décidé de rappeler au public qu'il n'est pas seulement l'inspecteur Odafin Tutuola de New York Unité Spéciale mais qu'il a bel et bien commencé sa carrière comme artisan des mots et dynamiteur de politiquement correct. C'est d'ailleurs le principal point faible du film, cette tendance du sieur Marrow à se la raconter dans les grandes largeurs quitte à faire passer à la trappe des témoignages qui n'auraient pas manqué d'être intéressants. Quel intérêt de nous montrer sa rencontre avec la légende californienne WC uniquement pour qu'on assiste à une séance de lustrage de gland sur les techniques (médiocres) d'Ice-T sur scène quand il se plante.
On le voit insulter les passants dans la rue, jouer un rôle entre flic et gangsta sous l’œil d'une caméra qui, si elle lui est acquise, ne manque pas de laisser filtrer l'image du guignol. Quand il cherche à savoir le processus utilisé part un MC pour écrire ses textes, il ne manquera pas avant toute chose, de tenir une conférence sur comment LUI procède et tenter de faire jeu égal avec les plus grandes légendes de la discipline...

Pour autant, le documentaire vaut le visionnage. Ice-T rend un véritable hommage aux pionniers qui lui ont donné envie de rapper dès la fin des 70's. Grandmaster Caz (qui fait partager sa composition d'un 16 mesures), Melle Mel la légende de "The Message", Doog-E Fresh le beatboxer reconverti dans la restauration rapide, Rakim toujours aussi intense et profond (et avec une conceptualisation de l'écriture assez dingue), Big Daddy Kane sur son pimpin' 31, Salt (sans Peppa) chez elle, le coton tige Q-Tip qui récite ses couplets préférés dans la rue, Chuck D qui démystifie "Elvis was no hero to me", Bun B qui évoque le coté griot du rap des bicraveurs sudistes, Eminem qui explique qu'il a étudié tous les MC (dont Treach - qui fait une apparition remarquée mais beaucoup trop courte) démonstration à l'appui, Kanye West qui s'énerve de façon assez ridicule en freestylant devant chez lui après avoir expliqué pourquoi il écrivait de façon aussi simpliste...
La liste est longue, KRS-One (qui explique l'original des dozens), MC Lyte, Ras Kass et Xzibit, B-Real, Chino XL, DMC et Mr. Potato Head aka Rev Run, Dr. Dre sous stéroïdes, Ice Cube qui s'évertue à se prétendre gangster, Snoop Dogg qui reprend "6 in the morning" d'Ice-T, Nas, Premier, Redman, Joe Budden, Mos Def, Immortal Technique...

Malheureusement, Ice-T partage avec Tonton Marcel une absence quasi totale de qualité d'intervieweur. Quand les questions qu'il pose ne sont pas des prétextes à parler de lui, elles ne volent généralement pas beaucoup plus haut que "alors la famille, je voulais savoir là exactement, comment tu fais pour être aussi fort la famille ?". Pas étonnant que les interventions de certains ne servent que de transitions vers un autre thème du documentaire. Et que dire de cet caméra à l'épaule qui semble être tenu par Michael J. Fox dans un bon jour mais qui se serait découvert la même passion pour les gros plans que Chabat et Sear sur "Authentiques, un an avec le Suprême".

Intéressant d'entrer dans le processus créatif de ces MCs qui ont participé à faire du rap ce qu'il est aujourd'hui et de voir les différentes façon d'appréhender la feuille blanche. De donner aux pionniers une occasion de raconter leur vision du rap. Dommage que le réalisateur cherche en permanence à attirer la lumière sur lui, son statut l'ayant surement aidé à faire participer certains intervenants mais plus de discrétion aurait surement apporté beaucoup au projet.

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le 27 avr. 2013

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NicoBax

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