Paris, la ville lumière, aussi surnommé la plus belle ville du monde ou la capitale de la mode, de la création, de l’art de vivre et de la gastronomie. C’est la première étape d’un tour d’Europe en forme de cœur qu’un journaliste sdorvien ; un pays fictif à l’est de l’est ; va entreprendre dans le cadre d’un documentaire promotionnel. Mais le carnet de voyage censé promouvoir le cadre idyllique va rapidement prendre des atours de calvaire parisien reflétant les dérives d’une cité désenchanté, celui des tentes de SDF campés le long des quais en bordure de la Seine, celui de la criminalité et de l’individualisme où les bonnes cloches de touristes comme lui se font manger tout cru par les délinquants de nos banlieues. Du rêve au cauchemar, il n’y a qu’un pas, que le narrateur va allègrement franchir en basculant dans l’anonymat et la folie.


Mais avant cela, Sorgoi Prakov nous aura quand même pas mal induit en erreur dans sa première partie qui a tout d’une comédie pince sans rire, moins transgressive que les leçons culturelles et pitreries de son voisin Kazakh Borat, certes. On se laisse facilement attendrir par la naïveté et la personnalité atypique du bonhomme, surtout lorsqu’il lui arrivera ses premières déconvenues. Mais quand les premiers signes de nervosités et de névroses du personnage vont apparaître, on va commencer à se poser quelques questions, surtout quand les producteurs vont l’abandonner à son sort et supprimer les financements de son ambitieux projet. Très vite, la comédie dégénère dans le drame et dérape en virée underground au coeur de Paris. Car l’auteur va s’abandonner aux excès des soirées étudiantes, entre drogue et alcool pour finir sans un rond et sans-abri au côté d’un clochard dont il brûlera la dépouille une fois que ce dernier aura rendu son dernier soupir.


Perdu dans cette jungle urbaine, dans l’indifférence généralisé et puisqu’il parle très peu français, l’homme va rapidement se muer en vagabond sociopathe et commettre une série de délit et d’incivilités avec beaucoup de rancœur et de perversité. Si les français ne peuvent pas comprendre l’anglais et encore moins sa langue natale, ils vont apprendre le langage universelle de la violence, que l’auteur va marteler à coups de pierre dans la tête à un couple de campeurs dans la forêt. Tant et si bien que toute empathie naissante se voit annihiler au profit d’une horreur malsaine et complaisante, puisque Sorgoï Prakov ne s’impose plus aucune limite dans sa rapide déliquescence, le montage de son found-footage se fera de plus en plus expérimental et chaotique à mesure de son enfoncement dans la folie, de ses meurtres, violes et sévices infligés à ses victimes, poussant le vice jusqu’au cannibalisme et à la nécrophilie.


Le sujet est radicale, le contenu pas moins dérangeant, allant jusqu’à sonder les tréfonds de l’âme humaine d’un tueur en liberté dans une représentation très réaliste de notre beau pays la France. Le film de Rafaël Cherkaski avait peu de chance de trouver des voies de financement traditionnelles dans le paysage cinématographique hexagonal enraciné depuis trop longtemps déjà dans la comédie familiale, le biopic ou bien le polar déprimant. Le fait est, qu’une telle proposition de cinéma ne pouvait que dérouter, fasciner, mais surtout diviser les spectateurs, et que les plus sensibles d’entre eux ne pouvaient que le rejeter totalement en l’incriminant comme Irréversible en son temps. Et pourtant, Sorgoï Prakov My European Dream n’est ni plus ni moins que l’une des meilleures propositions de Found Footage sortis à ce jour, quand d’autres se vautraient dans les jump scares exécrable de fantômes au rabais et d’esprit vengeurs (Graves Encounters, The Gallows) ou tentait d’aborder des sentiers boisés maintes fois rebattus sans saveur ni originalité (Blair Witch de Adam Wingard), d’autant que l’oeuvre ne trahit jamais la diégèse ou bien la cohérence de son propos sans jamais se soumettre à des concessions de diffusion populaire, le reléguant d’office au bagne des films underground, c’est le tarif quant on se permet d’outrepasser la bienséance, et d’enfoncer les dernières barrières interdites et tabou de notre société. À une autre époque, on se serai échangé le DVD sous le manteau, désormais, on le diffuse sur les réseaux sociaux. Quand la sacro-sainte pensée et l’intolérance nous impose ses croyances, les artistes frustrées prennent le relais et opère des transgressions visant à retourner les valeurs de l’opposition.

Le-Roy-du-Bis
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le 16 mars 2023

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Le Roy du Bis

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