Ça sent le vécu pour ce premier long métrage d’Eva Victor qui y joue le rôle principal. Elle interprète Agnes, une étudiante-enseignante dans une université américaine probablement un peu à l’écart, puisqu’elle habite dans une maison non loin d’un plan d’eau et surtout assez isolée, semble-t-il typique de la Nouvelle-Angleterre (groupe de six états de la côte Est et proches du Canada). En gros, elle a un voisin, Gavin (Lucas Hedges) et c’est à peu près tout.
Le film étant découpé en chapitres avec un intitulé en rapport avec ce qu’on va observer, le tout premier (sans doute le plus long) nous montre Lydie (Naomi Ackie) de retour chez Agnes. Visiblement, elles ont cohabité pendant plusieurs années, lorsqu’elles étaient étudiantes. Depuis, Agnes a obtenu un poste d’enseignante dans cette même Université et Lydie est partie faire sa vie à New York. Visiblement, Lydie n’est pas revenue depuis un bon bout de temps. Visiblement aussi, Lydie et Agnes sont très proches (leur complicité émaillée de nombreux fou-rires parlera quand même avant tout à un public féminin). Au point qu’on se demande si elles n’ont pas eu une liaison amoureuse. D’ailleurs, lors d’une soirée où elles sont invitées par Natasha, un geste de Lydie va dans ce sens. Mais comme on ne les voit jamais aller plus loin, même lorsqu’elles restent en tête-à-tête, on reste dubitatifs.
Il faut dire aussi qu’un dialogue nous apprend que Lydie est enceinte, qu’elle a probablement eu recours à l’insémination artificielle et qu’elle est mariée.
Il faudra les chapitres suivants pour se faire une idée plus précise de leurs positions respectives.
Les chapitres suivants sont en réalité des flashbacks qui reviennent sur des moments précis de la période où Lydie et Agnes cohabitaient. Il semblerait que non, elles n’aient jamais eu de liaison. Il semblerait également que Lydie soit lesbienne mais pas Agnes, ce qui ne les empêche pas d’entretenir une grande connivence. Ainsi, elles détestent toutes deux Natasha. Il faut dire que celle-ci a un comportement particulièrement agaçant. A l’époque, aussi bien Natasha que Lydie et Agnes travaillaient à leur thèse. Dans cette petite université, le professeur Decker (Louis Cancelmi) était leur directeur commun. Et les trois jeunes filles rivalisaient d’attentions pour retenir son intérêt. A ce petit jeu, Natasha exagérait très largement (le jeu de Kelly McCormack qui l’interprète est quelque peu outrancier).
C’est probablement à la suite de cela que le professeur Decker qui les convoque à l’occasion dans son bureau pour faire le point sur l’avancement de leur travail, se montre incorrect et agresse Agnes. A noter quand même que de cette agression, nous n’aurons que la version qu’elle raconte à Lydie alors qu’elle est encore sous le choc. De ce récit, deux points se dégagent. D’abord, il semble qu’elle aurait largement eu le temps de prendre ses jambes à son coup, en ayant vu venir ce qui risquait de se passer. Ensuite, son comportement n’a-t-il pas dépendu de sa position de thésarde vis-à-vis de son directeur de thèse ? Autrement dit, le professeur n’a-t-il pas tiré parti d’une position de dépendance intellectuelle. En effet, si Agnes prenait la fuite, est-ce qu’elle ne risquait pas de devoir dire adieu à sa thèse ?
On constate donc qu’Agnes a du mal à prendre sa vie en mains. Malgré sa haute stature, elle semble régulièrement subir les événements plutôt que de décider de ce qu’elle veut vraiment. C’est ainsi qu’elle se retrouve parfaitement satisfaite de son poste d’enseignante dans l’université où elle a étudié et où on l’apprécie vivement pour sa passion pour les lettres qu’elle sait si bien transmettre. Quant à l’agression dont elle a été victime, si elle en parle à Lydie et si elle va porter plainte à la police, ensuite elle n’en parlera plus, préférant garder cela pour elle. Ainsi, lorsqu’elle est amenée à devenir juré pour un procès, si elle mentionne qu’elle a été victime d’un crime, elle préférera n’en rien dire de plus et se trouver récusée.
Et dans sa vie privée, est-ce qu’elle ne choisit pas la solution de facilité en ayant une liaison avec Gavin son voisin ?
Maintenant, le film vaut surtout pour le ton très personnel qu’il adopte d’un bout à l’autre, à force de situations loufoques. On s’amuse donc essentiellement du comportement d’Agnes qui se justifie plusieurs fois par son traumatisme. Par sa construction sous forme de fashbacks successifs, le film nous permet progressivement, de mieux comprendre le personnage d’Agnes. A noter quand même qu’après le premier chapitre, les autres se succèdent sans ordre précis. Un film présenté à la Quinzaine des cinéastes du festival de Cannes 2025.