« Soudain l’été dernier » est un film de Joseph L. Mankiewicz basé sur une pièce de Tennessee Williams, avec Katharine Hepburn, Elisabeth Taylor et Montgomery Clift. Si ces cinq noms ne suffisent pas à vous mettre l’eau à la bouche, je ne sais pas ce qu’il vous faut…


Le docteur Cukrowicz est un brillant chirurgien de la Nouvelle Orléans, qui expérimente des méthodes révolutionnaires de lobotomie dans un cadre de guérison de la folie. L’hôpital pour lequel il officie fait figure d’avant-garde dans le domaine, mais manque cruellement de financements. Une opportunité se présente en la personne de Violet Venable, une riche veuve qui vient juste de perdre son fils unique. La brave mécène souhaite toutefois rencontrer le jeune docteur avant d’accorder ses fonds à l’établissement psychiatrique.


Cukrowicz se rend donc chez la bonne dame. Cette dernière a entendu parler de ses travaux, et désire qu’il applique sa nouvelle méthode (fort efficace) sur sa nièce, Catherine. En effet, la jeune femme semble avoir perdu la raison, alors qu’elle passait l’été dernier avec Sebastian, le fils de Mrs Venable, qui est mort dans d’étranges circonstances. Le docteur accepte alors, à tout le moins, de rencontrer la malade.


Adapté d’une pièce de théâtre, « Soudain l’été dernier » repose sur une poignée de scènes de conversations très longues qui font avancer l’intrigue. Dans un cas pareil, le succès du film tient donc autant à la qualité d’écriture des dialogues et aux capacités d’interprétation des acteurs. Disons-le nettement, avec le casting que le film se paie, il n’y a à s’inquiéter ni de l’une, ni des autres…


Film psychologique, l’œuvre de Mankiewicz s’attache à développer la personnalité des personnages, tous complexes et détaillés. Film à suspense, il emprunte parfois presqu’au thriller, proposant des scènes où la tension est à son comble. Il est intéressant de constater que le doute et l’incertitude sur l’état de santé (mentale) des personnages est maintenu tout au long du film. L’intrigue repose sur des non-dits et des témoignages parcellaires, et, à la manière d’un détective, le docteur Cukrowicz va s’atteler à dénouer le mystère auréolant le décès de Sebastian et la folie de Catherine. Film d’ambiance, il traite de thèmes assez noirs (la folie, l’inceste, la violence), et crée une atmosphère oppressante, appuyée par une photographie noir et blanche souvent très saturée.


Je le mentionnais un peu plus haut, mais le succès d’un tel film dépend largement de la qualité de ses acteurs. Avec trois noms prestigieux à l’affiche, « Soudain l’été dernier » peut s’enorgueillir d’un casting assez fou. La grande Kate est, comme à son habitude, excellente dans son interprétation de la veuve Venable. Ses partenaires ne sont pas en reste, entre un Montgomery Clift parfaitement à l’aise dans la peau de ce chirurgien brillant, et une toute jolie Elisabeth Taylor qui livre une superbe prestation – avec, à la clef, un monologue impressionnant.


Avec ce film, Mankiewicz réalise une belle réussite, une sorte de thriller de personnages à dimension psychologique, où l’on est tenu en haleine jusqu’au dénouement par l’attente de la découverte des secrets que chacun renferme. Si la pièce de Tennessee Williams n’a pas le génie jubilatoire de « Cat on a Hot Tin Roof », elle donne toutefois lieu à des confrontations vivantes à quasi huis-clos, interprétées de manière brillante par les trois acteurs principaux.

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le 22 août 2015

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Aramis

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