Et c'est en effet un film éblouissant à tout point de vue, à commencer par une sublime photographie lumineuse.
Le traitement du film l'est tout autant en s'attaquant à la seconde révolution culturelle par son envers, c'est à dire des adolescents dont les parents sont envoyés au loin pour diverses raisons. Ils se trouvent le plus souvent livrés à eux-mêmes, avec l'opportunité de faire un peu ce qu'ils veulent, d'où un petit côté Hope and glory de Boorman.
Et cette approche ludique est fabuleusement reprise par la réalisation de Jiang Wien qui adopte complètement à l'état d'esprit de ces personnages. Certains moments en deviennent presque euphorisants tant on ressent physiquement cette absence de pesanteur pour une liberté quasi aérienne : suivre les enfants courir pour le plaisir de courir, une escapade sur des toits, la dimension grisante de pénétrer dans des endroits interdits et de jouer avec les objets qui s'y trouvent, se moquer de la propagande etc... C'est encore plus palpable dans les nombreuses séquences où interviennent les 2 personnages féminins qui apportent une incroyable tension érotique pour des séquences de séductions où la provocation et l'assurance se mêlent à la maladresse et la timidité.


Ca donne beaucoup de petites scénettes, parfois indépendantes et souvent interchangeables, pour une narration fragmentée qui se justifie pleinement par le procédé narratif où un homme raconte ses souvenirs en voix-off.
Hors ceux-ci peuvent être inexacts, romancées, fantasmés, réarrangés pour se donner le beau rôle ou qui sont tout simplement sélectifs ou empruntés à certains de ses amis. J'ai beaucoup aimé cette approche qui donne lieu à ainsi à beaucoup de situations irréelles, presque surréalistes comme le chapeau du professeur rempli de charbon, la chute dans la cheminée, l'apparition de la photo dans la chambre, Mi Lan et ses lunettes bleues et plein d'autres moments qui peuvent sembler exagérés (un face à face gigantesque entre deux clans sous un pont).
Quand le cinéaste (et le narrateur) ne l'explicite(nt) pas trop, Des jours éblouissants possèdent un élan irrésistible. Cependant lors de la dernière demi-heure, ces interrogations mémorielles virent un peu à l'artifice démonstratif comme si Jiang Wien trouvait qu'un simple film sur la jeunesse manquait de profondeur et qu'il fallait absolument lui adjoindre un "discours". Or comme cette remise en cause se limite au dernier acte, tout en reposant beaucoup trop sur la voix-off, le film trébuche dans ce virement qui apparaît forcé et un peu laborieux. Cela dit Des jours éblouissants a la malchance d'arriver peu après ma découverte de Raoul Ruiz et d'un film d'amour (Istvan Szabo) qui sont beaucoup plus élaborés et réussis dans leurs confrontations du passé, du fantasme et d'un perception faussée.
Chez Jiang Wien, réduit à son dernier acte, cette réflexion peine à trouver son rythme naturel et son épanouissement. C'est dommage car il y a encore plusieurs scènes admirables durant le dernier acte comme la cruauté de la seconde scène à la piscine, un rêve parodiant les figures de style des œuvres de propagande et une scène dans laquelle la frustration accumulée déboule sur une pulsion sauvage où la furtive nudité se dévoile dans une tristesse banalité (accidentelle) une fois l’excitation retombée, loin de l'érotisation qui imprégnait le reste du film.


Ces errements réflexifs inaboutis m'ont un peu fait sortir de la narration et des personnages malgré moi (comme l'épilogue sorti de nulle part) et viennent malheureusement nuancer un premier film qui s'annonçait comme un fabuleux coup de cœurs jusque là. Ca reste quoiqu'il en soit un titre majeur du cinéma chinois pour film injustement invisible et confidentiel.

anthonyplu
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le 24 janv. 2017

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