Speak No Evil
6.1
Speak No Evil

Film de James Watkins (2024)

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Hier soir, j'ai vu Speak No Evil et au-delà de la petite vibe Get Out que j’ai pu ressentir dans son ambiance, j’en ressors un poil mitigé.

Le film m’a tenu, il m’a happé, il m’a tendu à plusieurs reprises… Mais une fois digéré, une fois que tous les tenants et aboutissants se révèlent, il reste des zones d’ombre, et pire encore, il se crée des réactions que j’ai du mal à expliquer.


Avant de rentrer dans le dur, je veux souligner deux performances qui m’ont marqué.

James McAvoy, absolument terrifiant, qui ajoute encore une nouvelle nuance à sa panoplie de psychopathes. Il arrive à rendre glaçant des regards, des micro-silences, des gestes qui ne paraissent rien mais qui pèsent lourd.

Mackenzie Davis, un rôle trouble, presque désaccordé par rapport à McAvoy et c’est justement cette dualité entre eux deux qui illumine une grande partie du film. On a l’impression de voir les deux pôles d’un même monde, qui se reflètent et s’opposent dans une danse dérangeante.

Il y a une vraie finesse dans la manière dont Watkins croque ses personnages. On sent que la tension ne naît pas de grands artifices horrifiques mais d’une confrontation sociale. D’un côté, une famille bourgeoise un peu déclassée, avec ses complexes et son envie de bien faire (au risque d'entre être ridicule), de l’autre, une famille qui paraît plus libre, bien plus désinhibe et certainement trop. Une masse de personnage détestable, des clichés extrêmes gauche et droites, qui vont cohabiter un temps. Ce contraste, posé par petites touches, suffit à créer une gêne permanente, et c’est ce qui rend le film si déstabilisant, tout part du banal, du quotidien, et se transforme peu à peu en cauchemar.


Le film, en lui-même, installe une tension très particulière. Une tension qui monte doucement, élégamment, presque sans qu’on s’en rende compte. C’est un film d'horreur-suspense qui ne cherche pas la surenchère mais qui préfère jouer sur des situations inconfortables, sur des dialogues qui frottent, sur des non-dits. Et ce qui est malin, c’est la façon dont ça tacle par la bande un certain profil de bourgeois bien-pensants, des bobos qui se rêvent bienveillants mais qui ne disent jamais vraiment ce qu’ils pensent. Qui, lorsqu'ils sont confrontés à des contradictions, vont soit conclure par un "c'est compliqué" et/ou fuir le dialogue. Il y a un plaisir presque malsain à voir cette hypocrisie gratter à l’écran, à voir la façade craquer petit à petit.

Franchement, c’est bien vu.


Mais voilà. Le problème, il arrive quand on prend du recul. Quand on accepte le twist, quand on comprend les motivations des antagonistes… certaines scènes perdent beaucoup de leur sens. On se met à repenser à tout ce qu’on a vu et on se dit, pourquoi avoir fait ça ?

Pourquoi ces situations étranges, ces maladresses volontaires, ces moments où ils jouent à la famille bizarre alors que, logiquement, la subtilité et la discrétion auraient été bien plus efficaces pour mener leur plan à bien ?

Sur le coup, ça marche, ça tend, ça déstabilise.

Mais après coup, ça laisse un arrière-goût de manipulation un peu facile, comme si le film s’était parfois tiré une balle dans le pied juste pour nous tenir, sans cohérence totale avec la finalité.


Alors oui, on peut dire que c’est de la maladresse volontaire, que les antagonistes s’exposent un peu trop parce qu’ils sont prisonniers de leurs pulsions. Mais ça colle mal avec le reste, ils sont trop fins, trop organisés, pour qu’on croie vraiment à une succession de bourdes.

C’est ce décalage là qui m’a freiné.

Je pense même que sans cette écriture un peu légère, le film aurait pu se hisser jusqu'au classique Get Out, pourquoi final, il soit freiner par les bases de son concept.


Cela dit, il faut reconnaître que le film atteint son objectif premier, à savoir, mettre le spectateur mal à l’aise. Le malaise s’installe doucement, avec des situations anodines qui dérapent, et on pense parfois aux thrillers psychologiques des années 80-90, ces films où le danger venait de personnages parfaitement "respectables". Ici aussi, tout repose sur ce décalage, sur la peur qui s’immisce dans la normalité. Et même si je reste frustré par certaines incohérences quand je repense au plan global des antagonistes, je dois admettre que sur le moment, ça fonctionne. J’étais pris.

Speak No Evil est un film efficace sur le moment, qui sait créer une tension élégante et nous mettre dans un malaise constant, servi par deux acteurs brillants. Et d'autres qui sont des semi-figurants, n'arrivant pas à la stature de ces deux légendes... Et une fois le rideau tombé, une fois les cartes sur table, il reste des incohérences difficiles à digérer. Le film est moins bien que prévu, mais après son visionnage, c'est assez étonnant, mais suffisant dans ces mécaniques pour que j'ai envi d'en saluer l'effort.

KumaCreep
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films d'horreur des années 2020

Créée

le 28 août 2025

Critique lue 2 fois

KumaCreep

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