Heureusement que j'ai aimé ça me donnera envie de m'en rappeler

C'est en regardant ce film que je me suis rendu compte, en plein milieu, que je ne me rappelais de rien du premier volet que j'avais pourtant adoré à sa sortie. C'était quand déjà ? Dans le monde d'avant, non ? Je me rappelle de l'identité visuelle et de ces idées créatives novatrices et très drôles, de la forme finalement. Rien sur le fond. Je ne me rappelais plus du nom du héros, de ses amis, de son histoire. Étrange pour un film que j'ai trouvé "génial".


Est-ce à cause de l'intensité permanente du film ? La suite ne déroge pas à la règle : nos yeux peinent à suivre le défilé d'images, souvent magnifiques, toujours réussies dans leur direction, au rythme effréné où un simple clignement d'œil nous fait déjà perdre une dizaine d'informations. Or des moments de pause, il y en a. Quelques instants suspendus où l'on respire. Je ne m'en rappelle pourtant déjà plus. Ne serait-ce pas là que le bas blesse ? Quand aucun moment suspendu n'est vraiment marquant ?


J'ai vu Accros the Spider-verse il y a une dizaine de jours. Je me rappelle encore de l'histoire, du dilemme du héros, de quelques scènes encore fraîches dans ma tête (surtout l'univers avec tous les Spider-Man différents), de certains personnages secondaires, et du méchant dont je ne me souviens pas avoir déjà vu un autre de ce type précédemment. C'est déjà pas mal.

Mais je me rappelle surtout que la musique était très forte, insistait lourdement sur les basses à de multiples reprises pour intensifier une scène. Je me rappelle de la sensation de délire d'action ininterrompu et entrecoupé de blagues et clins d'œil qui viennent casser le rythme et créer un décalage constant.


Alors justement, quand la forme marque plus que le fond, n'est-ce pas là ce qu'on appelle purement et simplement du cinéma ?

Peut-être. Mais je crois aussi autre chose. Je crois que je suis très sensible à la sincérité du fond, qu'il soit très développé ou non.


Ce que j'ai l'impression de voir devant cette suite, c'est finalement la volonté de faire une suite à un film qui se suffisait pleinement à lui-même. Au fond, l'arc du héros était bouclé dans le précédent. Il l'a eu, son fameux trauma originel. Alors on va modifier le point de vue qui nous avait été donné dans le premier film afin de recréer de quoi s'inquiéter pour ce personnage, lui redonner de l'enjeu personnel autre qu'être un simple sauveteur immortel de l'humanité dont le public se lasse peu à peu.


C'est là que selon moi le film bascule. Son intérêt principal devient ainsi son originalité. Alors nous pète aux yeux un flot ininterrompu de trouvailles visuelles sans respiration, souvent vaines et existant pour elles-mêmes. Ce n'est pas sans me déplaire pour autant, mais lorsqu'on ne me propose rien d'autre qu'une variation formelle d'un récit conventionnel d'épisode de franchise, ça ne me suffit pas. J'en suis juste un peu plus fatigué.


J'ai trouvé ça fun et assez unique, dans la parfaite lignée du précédent opus, mais là encore n'en suis aucunement bouleversé ou durablement marqué. Ce n'est pas l'originalité formelle que je recherche dans un film, autrement j'aurais arrêté d'aller au cinéma il y a longtemps. Ce qui me plaît dans un film est son travail sur l'émotion. Pour cela, j'ai besoin d'un auteur qui a quelque chose à figurer, a matérialiser, à dire. Ici je n'ai finalement que de l'illustration, un propos "brandé" comme une marque de supermarché orné d'un magnifique et rarissime métal précieux. Pour exagérér bien sûr. Puisque le film n'est pas vide, propose quelques belles représentations sur l'amitié et les relations parentales, légèrement plus creusées et moins niaises qu'ailleurs, même si le trait me paraît souvent forcé et la peur de l'ennui privilégiée sur l'envie de figurer réellement.


En bref j'ai plutôt la sensation d'être fatigué par un film trop conscient d'être atypique et bien foutu, dont les effets de style aussi cools qu'hystériques prennent le pas sur ma mémoire.

Créée

le 19 juin 2023

Critique lue 12 fois

Franky Latuile

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