J'ai mis un certain temps à caler le titre « homecoming ». La maison, ce serait pas cette écurie Marvel où la place de l'Araignée était vacante depuis un moment ? Fut un temps, plutôt lointain, j'avais bien aimé Spider-Man. C'était l'époque de Sam Raimi. Pis ensuite, bah, s'il faut reprendre avec une autre équipe créative, ça va, c'est pas la mer à boire ! Seulement... j'avais trouvé le jeu d'Andrew Garfield assez prétentieux, donnant lieu à un Spidey assez relou. Et pis enfin, quand Marvel a pu se relancer dans l'usage du personnage, je me suis dit que ça allait être cool. Les gars ont le vent en poupe et ils retrouvent un personnage qu'ils maîtrisent, ça peut forcément donner un truc obligatoirement bien. Sauf que.
Spider-Man : Homecoming se passe après Civil War et en narre même un petit bout d'une façon assez marrante, genre Peter Parker qui assiste à tout ça et filme avec son portable et ça, c'est plutôt marrant, un brin 2.0 mais on reprend le perso à l'âge de 14 ans alors why not. Du coup, Le Spidey a son uniforme offert par Tony Stark et la consigne d'être un bon super-héros adolescent en attendant que le destin l'appelle à nouveau. Ça tombe bien, Micheal Keaton s'est vu proposer le rôle du Vautour (HAHA, parce qu'il a été Birdman, rôle qu'il avait chopé parce qu'il avait été Batman, c'est plutôt bien filé, comme humour !). Mais quand même, c'est là l'un des rares intérêts du film : les méchants, à l'origine, sont les employés d'une entreprise de BTP embauchée juste après l'épilogue d'Avengers premier du nom, quand il faut déblayer un peu New York de sa palanquée de débris alien. Le Keaton, il a tout compris et a embauché à tour de bras, acheté matos et camions pour s'emparer de ce juteux contrat... sauf qu'il se fait débarquer manu militari par des gros bras de Stark Entreprise, sous couvert d'un « Damage Control » soudain. Et ça n'a l'air de gêner personne que l'entreprise s'occupe de réunir toute cette technologie inconnue, tranquille smooth. Sauf que ça fout à la rue Keaton et ses gars et du coup, notre patron de PME décide de prendre le taureau par les cornes et se lance dans le clandestin avec la ferme intention de revendre au black les quelques pièces chitori qui lui restent sur les bras.
Wow, attendez, notre Spider-Man nouveau deviendrait-il un super-pamphlet social ? Avec Spider-Man en héros prolétaire obligé de traquer Keaton sous l'œil paternaliste et attendri d'un Stark ? Est-ce que le récit va s'élever et montrer les étranges rapports de force de cette situation ? Le malsain qui s'échappe de la façon dont Stark se donne parfaitement les droits et la raison d'agir à sa guise – parce qu'il a de l'argent – au point qu'en comparaison, ce que fait Keaton devienne soudainement hors la loi ? Non. Le scénario ne fait rien avec cette situation. Là où il y avait matière à raconter quelque chose de sensible et de fort, le récit va se montrer parfaitement bonhomme et multiplier les situations inutiles pour faire rire l'auditoire. Vous aimiez Jarvis, l'intelligence artificielle de l'armure d'Iron Man ? Ça tombe bien, Spider-Man a aussi son intelligence artificielle, qui l'aide dans son combat et s'appelle Karen. J’insérerai bien un smiley de pouce levé, là. Ce qui m'ennuie, c'est que fut un temps, Spider-Man montrait justement cela : avec Tobey Maguire et ses deux jobs pour venir en aide financièrement à une Tante May qui elle aussi juxtaposait deux jobs pour s'en sortir. Quand il vivait dans un 9m² tout craignos, là, il rendait compte aussi d'un principe normal : un super-héro, c'est d'abord un type du quotidien qui tente de venir en aide à autrui parce qu'il croit à un idéal supérieur et humaniste. Le problème avec Homecoming, c'est qu'en l'état, il raconte l'histoire d'un jeune adolescent qui cherche sa place dans le monde, est pris sous son aile par un richissime « philanthrope » qui lui donne quelques leçons de moral (venant du gars qui a conçu Ultron, ça laisse pantois) et valide au passage un système où Stark a raison de se placer au-dessus des lois et des gens. C'est le sauvage civilisé qui s'en prend aux autres sauvages. Et autant, j'arrivais à pardonner Andrew Garflied et son jeu en décalage parce que je retrouvais quand même la saveur d'un Spider-Man, autant là, les enjeux me paraissent tellement malsain par rapport à la situation initiale, que je n'arrive pas à voir autre chose qu'une sorte de pamphlet libéral où le patron éclairé doit faire face à l'ignorance de ses employés. Heureusement, Spider-Man arrive pour mettre fin au partage des richesses, on est sauvé.
Du coup, gros malaise pendant toute la séance, et c'est pas faute d'avoir voulu mais même au-delà du message, c'est épuisant. Le passage à Washington est purement inutile et la séquence met tellement de temps à être introduite et débriefé que le méchant n'est jamais réellement présenté. C'est Keaton, il a de grosses ailes, basta. Pour son évolution à lui, pas la peine d'insister, il n'y en aura pas. Ce n'est pas un meurtrier, on le voit bien, mais il tue par erreur un type et n'a pas l'air de s'en émouvoir. Autant pour l'empathie. La scène d'action finale est, à ce titre, assez bizarre parce que le tout manque tellement d'enjeux que je comprenais assez mal la haine que se vouaient les deux personnages. Et puis merci pour la séquence de nuit sur un avion invisible, c'est une bonne idée pour la lisibilité. On passera aussi les séquences où, loin des gratte-ciels, on se retrouve dans des petites zones résidentielles où Spider-Man doit littéralement voler une voiture pour pouvoir rejoindre la scène d'action. Oui, le célèbre tisseur vole une voiture... C'est con, parce qu'il y avait deux trois idées pas idiotes, outre les motivations du méchant : le face à face dans la voiture entre Keaton et Tom Holland était pas inintéressant.
Au final, j'ai eu cette sensation désagréable que le film avait lui-même ce petit regard paternaliste sur moi, pendant tout le film, et me murmurait doucement « ben alors, tu vois, tu l'as le Spider-Man que tu voulais, c'est celui-ci. Kiffe maintenant, allez ». Ben non, voir deux personnes qui ont l'air d'avoir des problèmes de thune se taper sur la gueule sous l'œil patient de Tony Stark, ça m'a pas vraiment amusé. Et je remarque que plus ça avance dans les films Marvel et plus les situations un brin réflexives sont évacués (Civil War et son ingérence internationale des Avengers recalée en deux-deux par un « oui mais on est les gentils alors on peut ») et je me dis qu'il va falloir que le MCU se trouve un moment son « Watchmen » sans quoi, ses films vont vraiment finir par sentir la propagande un peu rance.