Spring
6.6
Spring

Film de Justin Benson et Aaron Moorhead (2015)

Sorte de rencontre onirique entre Before Sunrise et l'univers de Lovecraft, Spring n'est ni clairement un film d'horreur, ni un film fantastique, plutôt un conte romantique avec un élément fantastique ajouté, le but recherché par les réalisateurs semble d'atteindre l'équilibre parfait dans une histoire traitant de tragédie et d'âme. A vrai dire, on est en face d'une oeuvre qui ne ressemble à rien de ce qui se fait dans le genre actuellement, Justin Benson et Aaron Moorhead sont peut-être les pionniers d'un genre nouveau, au croisement entre le film romantique et la production Troma (oui, oui...).


Pour commencer, parlons un peu du synopsis: Evan, joué par Lou Taylor Pucci, un jeune cuisinier, vient de subir la mort de sa mère, malade d'un cancer. Après avoir perdu son emploi et décidé de réévaluer sa situation actuelle, il décide de voyager en Europe avec l'espoir qu'une odyssée à l'étranger l'aidera à ré-assembler les restes épars de sa vie. Embarquant sur un vol à destination de l'Italie, Evan débarque dans une petite ville côtière, pour y travailler dans une ferme, une vie humble d'une saveur différente. C'est ici qu'il rencontre Louise (Nadia Hilker), une belle femme mystérieuse. Il la convainc d'accepter un rendez-vous avec lui, et dans un court laps de temps, ils semblent tomber follement amoureux l'un de l'autre. Evan retrouve enfin un peu de stabilité dans sa vie. Mais rapidement, nous apprenons un sombre secret à propos de Louise qui menace constamment leur relation florissante, un secret si terrible qu'il pourrait même coûter la vie au jeune couple....


Ce qui frappe d'entrée dans ce film, c'est son côté si primal et affectueux. Son honnêteté qui fait notamment penser à l’œuvre de Richard Linklater ou au méconnu Joe Swanberg (figure de proue du mouvement cinématographique "Mumblecore", qui s'inspire notamment des films de John Cassavetes ainsi que du cinéma indé américain des années 90 et 2000, dont Spring s'inspire fortment à son tour).


Dans ce film, la plus majestueuse des épopées shakespeariennes rencontre les inspirations les plus sinistres de Joe Dante, il en découle une multitude d'aspects différents, dont une grande richesse émotionnelle faisant face à une utilisation judicieuse d'effets bestiaux qui rappellent Le loup-garou de Londres de Landis, ainsi qu'une multitude d'autres oeuvres du genre que je ne m'amuserai pas à citer une par une. Comparaisons mises à part, Benson et Moorhead ont ici livré un vrai travail de passionné dans un genre qui divise souvent public et professionnels, avec une volonté claire de raconter leurs histoires et leurs inspirations plutôt que de livrer une œuvre trop versée dans la culture pop, comme cela se fait le plus souvent malheureusement.


Et comme un film ne serait rien sans de bons personnages, particulièrement dans ce genre-là, impossible de passer outre le casting, on tient ici des performances de haut vol pour un petit film indé, leurs personnalités rayonnent littéralement à partir du moment où ils sont introduits, que ce soit la complexité du caractère éperdu d'Evan, campé par un brillant Lou Taylor Pucci, ou la sensualité de Nadia Hilker, dans le rôle de Louise, qui développe une personnalité très, très polarisante. La direction d'acteur aurait cependant pu aller encore plus loin dans le dialogue romantique; la mise en scène laisse beaucoup d'ouvertures pour les échanges poétiques, mais on ne peut s'empêcher de ressentir une sous-utilisation de la dialectique qui nous laisse un peu sur notre faim. Inutile cependant de pinailler pour des détails aussi infimes, Pucci et Hilker font un travail magnifique avec leurs rôles, on ressent clairement la relation entre deux jeunes gens littéralement transis d'amour, et on se surprend à vouloir voir leur amour perdurer, tant l'empathie transmise par ces deux personnages est forte.


Spring introduit également, dans ses aspects fantastiques, une histoire de créature en constante évolution qui peut se traduire comme l'oscillation d'une forte personnalité, dans ses humeurs les plus violentes, ce qui donne un caractère unique à ce film dramatique. Et bien que le film ait un rythme relativement lent, avec une histoire qui se développe sans urgence, Benson et Moorhead ne perdent pas de temps pour introduire l'élément horrifique, ce qui est plutôt bien senti pour saisir le spectateur, avec une imagerie teintée de rituels sanglants, et de transformations horribles. Cela permet à deux genres complètement différents de coexister harmonieusement, de toucher la sensibilité du spectateur tout en choquant simultanément nos sens. Les rendez-vous entre Evan et Louise sont souvent doux et révélateurs, alors que les scènes horrifiques sont souvent poisseuses, brutales et, c'est à prendre en compte, réalisées à l'aide d'effets pratiques qui feraient presque rougir le meilleur des Tom Savini, c'est dire!


Spring est une vraie révélation, excellant à la fois dans le genre du drame romantique passionné et du film de monstre contemporain, hybride d'horreur spectaculaire et de lyrisme exubérant. Benson et Moorhead ont créé un film à la croisée des chemins, qui sera cependant loin de plaire à tout le monde, ne nous méprenons pas, mais un film qui parvient à toucher les cœurs sans soumettre le spectateur à une fausse alchimie et surtout sans la superficialité dans laquelle il aurait pu facilement tomber, au lieu de cela, il a été choisi d'opter pour le sang, les tripes et la mort. Faire s'opposer la futilité de l'amour avec une telle violence était une expérience risquée, force est de constater que c'est réussi!


Au final, un film qui délivre un vrai message poétique et lyrique sur la façon dont une romance passionnée peut faire fuir les sentiments les plus sombres dans une vague de bonheur hypnotique. Dans son genre, Spring a placé la barre très haut.

Schwitz
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le 13 oct. 2016

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