« Stalker » est de ces films qui ferait dire à certains proches de ma famille que je regarde vraiment des films bizarres. De ces films dont l’image compte autant que les paroles, où l’histoire ne ressemble à aucune autre. Où les symboles sont nombreux, la réflexion dense, tant et si bien que sa compréhension reste ardue, que les interprétations sont multiples, et plus encore les tentatives d’analyses forcément incomplètes. Je vais malgré tout tenter d’en écrire une, mélange de ma propre vision et de lectures pris sur le net, même si de nombreux détails et points de compréhension m’échappent encore. Si j’aime bien analyser les films, celui-là demande en effet une capacité d’interprétation qui me dépasse pour appréhender l’œuvre dans toute sa complexité.

La Zone. Un endroit mystérieux, quelque part en Russie. Quelle est sa nature exactement ? Chute de météorite ? Invasion alien ? Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’aucune expédition n’est revenue, et l’on raconte que cet endroit contiendrait un lieu capable d’exaucer tous les vœux. De crainte de ce qui peut s’y trouver le gouvernement russe a interdit la zone, mais cela n’empêche pas certaines personnes d’y pénétrer illégalement. On les appelle les Stalker, les passeurs, ceux qui ont appris les lois de ce lieu étrange et unique. Ils aident ceux qui désirent se rendre à la fameuse Chambre qui exaucerait leurs désirs.
Le film commence ainsi, lorsqu’un Stalker, obnubilé par cette Zone au point de délaisser sa famille, doit accompagner deux hommes. Deux hommes aux comportements à l’opposé : l’Ecrivain et le Professeur. L’Ecrivain est un artiste blasé en panne d’inspiration et qui espère la retrouver dans la Zone, trouver enfin quelque chose d’intéressant dans ce monde si terne, où tous les triangles se ressemblent. Il y espère sans y croire vraiment. Le Professeur, un physicien, est un homme de science, rationnel. Il ne croit pas aux miracles, au surnaturelle et aux mythes qui entourent la Zone, pourtant il ne peut s’empêcher d’être inquiet à l’idée que si une telle Chambre existerait cela représenterait un grand danger pour le monde. Les deux hommes se disputent fréquemment, l’occasion d’une réflexion autour de l’art et de la raison. L’Ecrivain méprise le scientifique qui raisonne en termes de logique, totalement absente dans un tel endroit, ainsi que sa recherche des faits concrets tandis que lui va plus loin encore, une recherche de sens, non limitée à l’état des connaissances.
Le Stalker est convaincu que la Chambre existe et qu’elle apporte le bonheur. Comment se fait-il alors que personne n’ai vu sa vie s’améliorer en y ressortant ? Pour l’Ecrivain, la Chambre exaucerait en réalité les désirs profonds, ceux refoulés qui reflètent notre côté le plus sombre, ce qui le rend encore plus cynique envers la Zone et tout ce qu’elle représente. C’est là toute la difficulté de la recherche du bonheur, difficile à atteindre puisque l’homme se connait très mal, ignore ses véritables désirs, désirs qu’en faite l’on ne voudrait justement pas combler. Et justement leur périple à travers la Zone va les amener à se confronter à leurs propres doutes, leurs propres contradictions, leurs propres motivations.
L’extérieur de la Zone apparaît étrangement terne, en contraste avec les couleurs d’une nature préservée à l’intérieur, dans laquelle sont parsemés des carcasses de char endommagés, objets de guerre futiles en ces lieux.

Parce que parfois la vie c’est ça, avancer lentement à bord d’un chariot vers une zone d’inconnue le plus total, où se focalisent toutes nos craintes et nos espoirs. Un monde mystérieux, à l’origine indéterminée, incompréhensible, où toutes tentatives de rationalisation est vaine. Un monde où rien n’est simple, où rien n’est ce qu’il paraît, qui change constamment, où l’on ne marche jamais droit mais toujours par des chemins détournés, source de bonheur potentiel mais aussi remplis de pièges. Un monde que l’on ne peut qu’aborder l’esprit ouvert, libéré de ses convictions, humble. Un monde où n’a prise ni la technologie, ni l’argent, ni la religion.

« Stalker » est de ces films qui demandent un effort pour les visionner, qui ne se regardent pas simplement dans un souci de divertissement. Le sens ne vient qu’après, après visionnage pour le considérer dans son ensemble, après réflexion pour rassembler toutes les pièces. Ma compréhension reste très incomplète –les réactions des personnages ne me sont pas toujours claires, surtout la fin- mais je l’espère suffisante pour avoir pu percer l’essentiel de la richesse de cet œuvre.
Enlak
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le 16 janv. 2014

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