À l'exception de J. J. Abrams, pas grand monde peut se targuer d'avoir apporté une contribution majeure à deux des plus importantes franchises de science-fiction et des monuments du genre space opera, Star Wars et Star Trek. Le bonhomme, véritable touche-à-tout du monde de l'entertainment (tantôt scénariste, réalisateur et/ou producteur), a quasiment acquis au court des années 2000 et 2010 le statut de golden boy de l'industrie du cinéma hollywoodien. Pourtant, suite à la décision de Paramount Picture de sortir en 2016 un nouvel opus de Star Trek au cinéma pour fêter les 50 ans de la licence, J.J. est aux abonnés absent. Lui qui avait pourtant signé les deux précédents épisodes de la saga rebootée s'avère trop occupé à plancher sur le septième épisode de Star Wars. Ce sera donc à Justin Lin, réalisateur surtout connu pour sa contribution à la franchise Fast and Furious, de faire décoller une fois de plus l'USS Enterprise.


Star Trek : Sans Limites propose donc de retrouver le capitaine Kirk et son équipage en permission sur une station spatiale de la Fédération, quelques temps après les événements d'Into Darkness. Leur permission va malheureusement être de courte durée, car ils sont aussitôt renvoyés pour porter secours à un équipage alien coincé sur une planète éloignée où un nouvel ennemi et (suspense!) de vieux souvenirs enfouis les attendent.


Si en lisant ce pitch de départ vous ne vous sentez pas transporté par un souffle épique d'aventure et de mystère... et bien c'est tout à fait normal. Le premier point à reprocher à ce Sans Limites est un scénario finalement très convenu et sans réel panache. Le script, signé Simon Pegg et Doug Jung (tous deux nouveaux venus sur l'écriture du scénario d'un épisode de la saga) cumule des erreurs assez déroutantes, particulièrement au niveau du rythme qui semble aux fraises et dénué d'une volonté de développer une ambiance. Les dialogues et situations ne sont qu'utilitaires pour le script, rien ne contribue à construire un univers un semblant crédible. Un comble pour une œuvre de space opera quand on y pense. Pour le coup, c'est le festival aux fusils de Tchekhov : chaque élément qui, au départ, semble donner du corps aux personnages et aux lieux (un personnage alien qui écoute de la musique terrienne, une carcasse de vaisseau écrasée sur une planète,…) n’est finalement qu’un prétexte pour dérouler des dialogues d'exposition et informer le spectateur des outils de résolution de l'intrigue de manière factice. On en sort avec une frustrante sensation de vide et de superficialité. C'est d'autant plus navrant que les deux précédents opus de la saga avaient au moins fait l'effort de cacher des mécaniques scénaristiques vues et revues derrière de vrais rebondissements parsemant l'aventure et offraient un équilibre maîtrisé entre enjeux clairement identifiés, mystère et richesse d'univers.


La production design est un autre élément de Sans Limites où le bât blesse, surtout à cause de son inconsistance et de son incohérence. Là où les combats spatiaux en CGI avec des centaines de vaisseaux coordonnés en nuée sont dantesques, les scènes tournées en prise de vues réelles souffrent, elles, d'un cruel manque d'inspiration et d'envergure. Pour des décors sensés illustrer une planète inconnue et désertée, on a furieusement l'impression que les plans ont été tournés dans une forêt de conifères ou un canyon bien terrien. De même, une dizaine de figurants en costumes interprètent les méchants dans les prises de vues réelles, un faible nombre qui ne colle pas avec l'envergure de l'armée de soldats-drones vendue lors des combats spatiaux.


S'il fallait encore épiloguer sur l'antagoniste de cet opus, Krall, rappelons simplement la promesse faite par le co-scénariste Simon Pegg lors d'une interview pour Star Trek magazine : "The thing that we didn't want him to be was just out for revenge [....] We wanted his motivation to be more complex, and more mysterious." (« La chose que nous ne voulions pas de lui c’est qu’il veuille juste se venger[…]. Nous voulions que sa motivation soit plus complexe, et plus mystérieuse »). Oubliez, c'est complètement faux. Hollywood ne sait pas faire d'antagoniste qui a d'autres motifs que la vengeance.


Abrams avait su revitaliser une saga sur le déclin avec deux films Star Trek plutôt bons, capitalisant sur sa maîtrise d'une mise en scène dynamique et d'une certaine maestria dans la chorégraphie des scènes d'action. En fin de compte, il est vrai que ses films n'avaient plus grand chose de Star Trek, mais ceux-ci traduisaient au moins une vision personnelle de cet œuvre pop. A contrario, Sans Limites semble transpirer le film de commande, proprement exécuté mais sans passion. L'équipe de réalisation est complètement différente et le talent n'est pas vraiment au rendez-vous. En résulte un film qui n'est pas foncièrement mauvais : Sans Limites fonctionne, mais ne décolle pas pour autant. Sur bien des aspects, Sans Limites tient plus des séries télévisées Star Trek que du reboot cinématographique d'Abrams. Alors, est-ce un film Star Trek au rabais ? Un épisode glorifié de la série télé Star Trek ? La réponse se situe peut-être, au bout du compte, quelque part entre les deux.

VincentGrondin
6
Écrit par

Créée

le 20 janv. 2021

Critique lue 75 fois

Vincent Grondin

Écrit par

Critique lue 75 fois

D'autres avis sur Star Trek - Sans limites

Star Trek - Sans limites
Behind_the_Mask
8

Enterprise de démolition

Endommagé, lacéré, littéralement démembré, puis finalement détruit, l'un des symboles de Star Trek disparaît sous nos yeux impuissants et incrédules. Prendre le risque de le maltraiter si tôt dans...

le 17 août 2016

51 j'aime

Star Trek - Sans limites
Apostille
3

Une pellicule de clichés...

Espérant profiter d'un bon moment de divertissement par le biais de ce nouveau Star trek, je me préparais à voyager dans les nébuleuses les plus lointaines de la galaxie. Las ! L'ennui n'a pas tardé...

le 26 août 2016

24 j'aime

5

Star Trek - Sans limites
Frédéric_Perrinot
7

Réussi mais embourbé dans ses limites

Ce nouveau Star Trek aura connu beaucoup de bouleversement allant du départ de J.J. Abrams à la réalisation après avoir signé les deux très bon premiers opus jusqu'au décès de Leonard Nimoy durant la...

le 20 août 2016

18 j'aime

2

Du même critique

Get Out
VincentGrondin
5

ONLY Black Lives Matter ?

Une maxime bien connue dit que « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». D’une certaine manière, c’est un proverbe qui s’applique bien au premier film de Jordan Peele. Dans Get Out, Chris...

le 11 déc. 2020

1 j'aime

Star Trek - Sans limites
VincentGrondin
6

Star Trek sans panache

À l'exception de J. J. Abrams, pas grand monde peut se targuer d'avoir apporté une contribution majeure à deux des plus importantes franchises de science-fiction et des monuments du genre space...

le 20 janv. 2021

1917
VincentGrondin
10

Mémoire ravivée

Immersion. Un terme dont on use et abuse lorsqu’il s’agit de parler d’expérience sensorielle. C’est bien simple : dire d’un film qu’il est « immersif » est presque devenu cliché, tout juste associé à...

le 19 déc. 2020