C'était un lourd fardeau qui pesait sur les frêles épaules de JJ Abrams : réussir à concilier les fans de la Guerre des Etoiles de la première heure avec la nouvelle génération, et insuffler par la même occasion un nouveau dynamisme à la saga en lançant une nouvelle trilogie. Le pari semblait d’autant plus risqué que George Lucas lui-même s’était cassé les dents en tentant ce pari fou, en accouchant d’une « prélogie » inégale et fortement oubliable.


Autant vous dire que j'étais anxieux en ce vendredi soir, tandis que j'attendais impatiemment dans le froid en trifouillant nerveusement ma place de cinéma, ce précieux sésame vers une galaxie lointaine, très lointaine… Foule s’était pressée en masse pour assister au renouveau de Star Wars et à cette nouvelle génération fortement prometteuse, du moins à la vue des différentes bandes-annonces qui ne faisaient que faire monter encore plus l’attente (y'a pas à dire, niveau marketing les boss de Disney ont mis le paquet). Verdict ?


La sentence tant redoutée est sans appel : JJ Abrams a réussi son Star Wars. Sans avoir réussi à transformer cet opus en véritable étendard de la saga, l’épisode ultime, le réalisateur a toutefois parfaitement rempli le contrat en délivrant un film qui renoue avec les origines tout en apportant un certain vent de fraîcheur.


Du côté des points positifs, commençons tout d’abord par la nouvelle génération Star Wars. Symbolisée par un stormtrooper déserteur, un pilote émérite de la Résistance, et une jeune femme au passé encore mystérieux, JJ Abrams a su pérenniser l’héritage laissé à la fin du Retour du Jedi en proposant de nouveaux personnages sur lesquels les prochains films pourront s’appuyer sans effort. La direction artistique est top, les acteurs sont quasiment tous convaincants. Le fait d'avoir pris des acteurs inconnus voire quasi-inconnus est un véritable tour de force pour une telle production, l'initiative doit être louée.


Le pont avec l’ancienne génération est également bien effectué, dans l’ensemble. Même si le film flirte dangereusement avec le fan-service, où on se contente de ressortir les vieilles icônes pour satisfaire les fans primaires, une réelle cohérence est apportée. Han Solo et Chewbacca ont par exemple un arc narratif très intéressant et parfaitement intégré à la nouvelle histoire.


Certains regretteront l'absence de Luke Skywalker, présent seulement dans les derniers instants du long-métrage. Si ce parti-pris m'a un peu gêné lors du premier visionnage, sa force est ailleurs puisque cela permet d’iconiser le personnage, de l’élever au rang de mythe (même si tout le monde espère qu’il aura un rôle beaucoup plus prépondérant dans la suite de la nouvelle trilogie).


Seule Leia semble un peu se chercher au milieu de ces retrouvailles émouvantes, mais son temps à l’écran est limité donc on ne pouvait pas s’attendre à quelque chose d’énorme. Carrie Fisher fait le job, sans plus.


Les décors, ensuite, sont somptueux : fini les CGI dégueulasses de la prélogie qui me donnaient envie de m’arracher les yeux pour les plonger dans de l’acide, JJ Abrams a privilégié la pellicule ainsi que les prises de vue réelles, et on sent une véritable envie de renouer avec l’esprit d’origine. Les étendues désertiques rappellent Tatooine et les montagnes glacées évoquent Hoth. Merci, vraiment pour ça, car l’immersion n’en est que facilitée.


Pour ce qui est des quelques regrets que je nourris vis-à-vis de ce Réveil de la Force, je commencerai tout d’abord par LE méchant du film, voire LES méchants. Kylo Ren nous était vendu comme un méchant cruel et sadique, à la hauteur d’un Dark Vador érigé comme figure universelle du mal. À la place, nous avons eu droit à un pauvre sosie de Jedi ayant basculé du côté obscur de la force. Adam Driver n’était pas un bon choix à mon avis car il manque réellement de charisme. Cette absence de profondeur enlève tout véritable enjeu au film, et va même jusqu’à dédramatiser la scène de la mort de Han Solo, prévisible au possible. Bon j’avoue, ma mâchoire s’est quand même décrochée et je suis resté une minute les mains sur la tête à me demander si JJ Abrams était réellement en train de se foutre de moi ou pas.


Bref, le côté manichéen du film était pour ma part trop appuyé et évident, et manquait réellement de bases profondes. J’ai également ressenti cet effet lorsque le Général du First Order prononce un discours devant une foule de stormtroopers, copier-coller évident (et malvenu en l’espèce car manquant cruellement de subtilité) d’un discours du IIIème Reich avec un Adolf Hitler haranguant son auditoire. Le parallèle est trop appuyé, quasi-caricatural. Quant au fameux Snokes, j’avais l’impression d'être face à un Voldemort tout dégueulasse. Le côté dark n’est pas suffisamment exploité, assez dommage pour un Star Wars.


Enfin, l'humour. Certes, et j'ai vraiment apprécié le fait qu'un ton volontairement léger soit donné pour permettre une identification plus rapide aux personnages en les prenant en sympathie. Néanmoins l'aspect drôle de certaines scènes est vraiment trop présent et enlève toute mise en situation un tant soi peu sérieuse. Quant aux comiques de répétition, c'est sympa quelques fois mais attention à ne pas en abuser (notamment en exploitant Chewbacca comme faire-valoir et side-kick humoristique de Han Solo, ce qui ne permet pas de se rendre compte de l'effet de la mort de ce dernier sur le Wookie).


Mais je suis peut-être tatillon. C’est que, j’attendais tellement de cet épisode VII, censé effacer tous les maux des épisodes I, II et III, que je me voyais déjà l’idolâtrer comme un épisode V au sommet de sa gloire. Star Wars Episode VI est celui qui restera, car je suis issu de la nouvelle génération. J'avais vu La Menace Fantôme à sa sortie, sans réaliser à l'époque l'impact qu'aurait cette sage sur moi. En réalisant ce film, JJ Abrams a rendu une copie presque parfaite, mais a tellement eu peur de décevoir les fans qu’il s’est bridé inconsciemment. L’histoire n’est ainsi pas exceptionnelle, et on se surprend à y voir des similitudes évidentes avec l’épisode IV. Quelques incohérences et facilités scénaristiques viennent quelque peu noircir le tableau. Il n’empêche, la saga Star Wars est relancée d’une très belle manière, et a assurément de beaux jours devant elle. The force is strong with this one.


Sur ce, je vous laisse, je retourne voir le film pour la troisième fois !


[EDIT : je vais faire mon puriste pour certains, mon chieur pour d'autres, mais ayant vu le film en VF et en VOST, je vous confirme que la dernière surpasse allègrement la première. Toutes les blagues fonctionnent, et on est pas obligés d'entendre le -en passe d'être culte- "BB 8"]

Thibaulte

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