Un des derniers plans du film montre un gamin d'une dizaine d'années qui abandonne un instant le balai dont il se servait pour s’émerveiller devant un ciel étoilé. Rétrospectivement, il est tentant d'interpréter ce plan comme une métaphore du projet de Rian Johnson : procéder d'abord au nettoyage du mythe et profiter ensuite d'un horizon débarrassé des fantômes du passé.
J'appartiens à cette catégorie des quinquas qui a eu le privilège de voir la Guerre des Étoiles à sa sortie, à une époque où le portable n'avait même pas été imaginé - Blade Runner en témoigne - et où l'idée même d'exoplanète relevait de la fantaisie la plus extravagante : autant dire le moyen-âge. Mais 40 piges (balais) plus tard - nous avons toujours en tête l'espoir de revivre ce choc de 1977. Et nous sommes devenus des comptables pointilleux faisant passer tout nouvel épisode entre les fourches caudines de notre jugement subjectif : les codes sont-ils respectés ? Les personnages sont-ils à la hauteur du 1er ?...etc
Vaine posture ! On ne reverra jamais Star Wars avec nos yeux de gamins. D'abord parce qu'on ne rajeunit pas, et ensuite parce que refaire le même film aujourd'hui ne sert tout bonnement à rien.
Les spectateurs plus jeunes, biberonnés à tout ce que le cinéma et les séries fantastiques ont pu produire depuis trente ans, n'ont finalement cure de ces vieilles lunes et surtout de savoir si le SW VII ressemble au VI ou au V. Finissons-en ! Tel est le mot d'ordre de Rian Johnson : faisons place nette ! Mais avec le respect des anciens, en procédant d'abord à un enterrement de grande classe. Dont acte.
Là où le Réveil de la force s'épuisait à vouloir recycler les motifs de l'épisode fondateur, le jeune réalisateur prend la tangente et décide de faire du tout neuf avec ce matériau vieillissant.
Et, ce qui est le plus intéressant, c'est que la thématique centrale de son film tourne autour de cette question du recyclage. Exit le combat du bien contre le mal, ce dont il est question ici c'est de la "lutte" des jeunes (Rey, Finn, Ren, Poe) contre les vieux (Leia, Luke, Yoda, Snoke), des lasers contre les manches à balais.
Au milieu du film, Kylo Ren, qui sans aucun remords vient de mettre en morceaux la vieille figure du mal, interpelle Rey avec ces mots "It's time to let old things die" qui résument à eux seuls le projet central du film : en finir, honorablement, avec ces personnages certes charismatiques mais dont on ne sait plus exactement quoi faire...si ce n'est les cloner ou les hologrammer ! Car oui, la saga commençait à souffrir d'un trop plein de personnages. Le scénario, peu regardant sur les incohérences, passe des uns aux autres en tentant de donner son heure de gloire à, excusez du peu, trois anciens personnages principaux, trois nouveaux personnages principaux, trois androïdes incontournables, plus Yoda, plus un grand méchant, plus une demi-méchante, plus un demi-méchant, sans oublier Chewbacca qui se demande s'il ne ferait pas mieux d'aller se planquer dans un coin tranquille du fond de la galaxie.
Mais qu'importe les maladresses et les lourdeurs du récit, auxquelles on pouvait finalement s' attendre, cet épisode VIII a au moins l'avantage de balayer devant sa porte. Le prochain, enfin déchargé de ses personnages "poids lourds" conserve encore, comme le rappelle la princesse Leia," tout ce qu'il faut pour réussir " et regarde définitivement vers l'avenir.
Et c'est tant mieux. Parole de vieux !
Personnages/interprétation : 7/10
Histoire/scénario : 5/10 (de grosses ficelles à la Disney)
Réalisation/mise en scène : 7/10
6.5/10