Joli succès au box-office US en 2008 (il rapporta plus de 82 millions de dollars pour un budget estimé à 9 millions), "The Strangers" premier du nom n'aura bizarrement jamais eu les honneurs de connaître une sortie dans nos salles de cinéma. Heureusement, les aficionados français d'horreur purent se rattraper avec sa sortie discrète en DVD qui lui permit de se construire une petite renommée de home invasion sacrément efficace au fil des années. Premier film de Bryan Bertino (il ne fera rien de mieux par la suite) et finalement fer de lance d'une nouvelle vague de ce sous-genre du slasher jusqu'alors délaissé, "The Strangers" bénéficiait d'une ambiance viscérale, imbibée de ce premier degré typique des années 2000, en mettant en scène presque simplement le combat pour sa survie d'un couple en plein désordre affectif face au chaos engendré par la violence de trois assaillants. Malgré quelques maladresses au niveau des rebondissements, le jeu de chat et la souris en presque huis-clos qui s'ensuivait se démarquait par la gestion parfaite de son atmosphère rendue triplement étouffante par la nature mystérieuse de ces agresseurs, la gratuité de leurs actes violents et les peurs enfantines tordues (ainsi que leurs apparences) auxquelles ils soumettaient leurs victimes. Bénéficiant d'une interprétation haute de gamme (Liv Tyler et Scott Speedman brillaient dans des personnages plus marquants que la moyenne) et d'une durée très courte pour amplifier son sentiment d'efficacité, "The Strangers" avait en plus la bonne idée de garder l'aura de mystère autour de ses meurtriers jusqu'à son terme, leur donnant par là même une place à part dans le tout-venant des boogeymen du cinéma d'horreur. Et, forcément, on ne demandait qu'à les revoir une fois de plus à l'oeuvre...


Mais il aura fallu tout de même attendre près de dix ans pour cela, un délai étrangement long au cours duquel un script signé Bertino (qui voyait le retour du personnage de Liv Tyler) entrera plusieurs fois en phase de développement avec Laurent Briet pour le diriger avant de tomber à l'eau. Reparti sur une nouvelle histoire en collaboration avec Ben Ketai, le réalisateur verra enfin le bout du tunnel (et nous aussi qui l'attendions) avec ce "The Strangers : Prey the Night" et laissera cette fois sa place de metteur en scène à Johannes Roberts ("47 Meters Down").
Seulement, pendant ce temps-là, en dix ans, les home invasion ont littéralement envahi en masse les écrans, des DTV minables (des tas) aux vraies réussites réécrivant les codes du genre (plus rares, on peut citer notamment "You're Next" qui y a injecté une bonne dose de second degré ou "Don't Breathe", un home invasion qui a renversé les rôles d'assaillants/victimes), il semble désormais loin le temps où la violence brute et brutale de "The Strangers" suffisait à nous en mettre plein la vue. Ce deuxième épisode est donc confronté à un véritable casse-tête : se contenter d'un simple bis repetita des agissements des trois meurtiers au risque de ne pas proposer grand chose d'original ou innover en en dévoilant plus avec d'autres pistes quitte à perdre le brouillard de mystère qui faisait toute la réussite de son prédécesseur...


On se rend assez vite compte que "The Strangers: Prey at Night" a opté pour la première hypothèse. Nouveau terrain de chasse : un terrain rempli de mobil-homes. Nouvelles victimes : une famille avec une ado à problèmes. Mais, évidemment, mêmes tueurs. Conscient qu'il tient là de véritables pépites de croquemitaines, Johannes Roberts les iconisent encore plus que le premier film en ménageant chacune de leurs apparitions à tour de rôle. L'approche est la même, simple et brutale, respectant totalement la gratuité de la violence des trois compères masqués. Peut-être même un peu trop car, comme prévu et même si le plaisir des retrouvailles est bien présent, l'effet de surprise n'y est clairement plus, l'ambiance pesante voulue ne fonctionne pas aussi bien que précédemment et ce, malgré le mystère toujours entretenu sur les agresseurs. Soulignons aussi que les victimes de ce nouvel opus se révèlent hélas bien plus stéréotypées voire limitées -et donc de facto bien moins attachantes- que le couple du premier film.


Intelligemment (et sans doute pour compenser cela), Johannes Roberts fait le choix d'une approche visuelle et musicale rétro 80's qui devient une sorte de traduction formelle en totale adéquation avec ce retour a la simplicité brute des sources du home invasion dans un décor sans âge. Un angle choisi qui permet de dynamiser un récit connu par avance en lui offrant certaines séquences frôlant le génie (celle de la piscine restera dans les mémoires) mais auxquelles il manque toujours un soupçon d'impact réellement viscéral pour emporter une totale adhésion (la rage émanant de l'affrontement se révèle trop intermittente et donc frustrante). Cela dit, l'effet de suite tardive et sans doute définitive apporte certains bienfaits au dernier acte où toutes les morts sont envisageables dans cet esprit 80's qui déteint cette fois jusqu'au récit en repoussant (agréablement) les limites de la vraisemblance pour prolonger au maximum le face-à-face final.
Le meilleur symbole de tout cela sera un des derniers plans de l'héroïne rappelant furieusement celle d'une saga culte où il y a une "tronçonneuse" dans le titre, comme si le renvoi à un des pionniers cinématographiques où la brutalité humaine et primaire nous était dévoilée dans la pure simplicité d'un premier degré absolu était un héritage dont les "The Strangers" se seraient toujours montrés dignes en somme.


En répétant le schéma connu de son prédécesseur tout en s'en démarquant subtilement, "The Strangers: Prey at Night" ne parvient pas à recréer l'effet de surprise d'une ambiance terriblement anxiogène mais son respect des fondements basiques du home-invasion lui confère un agréable aspect rétro dont Johannes Roberts a su pleinement tirer profit derrière la caméra. Pas si mal.

RedArrow
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le 18 avr. 2018

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