Depp impact (ceci n'est PAS un film catastrophe)

Faire un film de mafia aujourd'hui relève de la gageure. Le genre lui-même semble comme sous verre, enfermé dans son propre musée. Comment créer ? Comment trouver encore des images qui ne soient pas par avance dévitalisées ? Le classicisme intemporel de "The Godfather" y parvenait en son temps. "Goodfellas" a osé l'humour, avec succès (les Sopranos suivront). "Gomorra" plus récemment a eu le mérite de déglamouriser le milieu.


Scott Cooper a bien du courage, et plutôt du bon sens - il n'est clairement pas le énième tâcheron de la grande famille hollywoodienne. Il travail avec application, se montre efficace et crée une ambiance paranoïaque grâce à une mise en scène soignée (faussement conventionnelle) et la photo de son chef op.' japonais. On y reconnaît la patte Bennett Miller : précision, sobriété, beauté glacée. Cooper tire le meilleur de ce joli casting (Depp, Cumberbach, Bacon, Joel Edgerton excellent qui roule grossièrement des mécaniques). Il a aussi la chance d'avoir Boston. Les clichés sur les irlandais ont peut-être moins été rabattus à nos oreilles que ceux sur la mafia italienne. Le côté bureaucratique et toute la paperasse au FBI sont là aussi filmés avec modernité ("La Taupe" est passé par là). La ressemblance affirme la singularité : Scott Cooper n'invente rien mais reste un solide conteur et parvient la plupart du temps à nous emmener. Scénario serré, intensité, rythme.


Il est de coutume de dire qu'on voyage pour vérifier que les monuments, tous ces endroits célèbres vus en photos, existent. Voilà à quoi est réduit ce genre en 2015 : vérifier, et donc révisiter à travers les scènes de la mythologie qu'elle s'est construite, que le film de mafia n'est pas mort, qu'il bouge encore. "Black Mass" assume cet aspect visite guidée : l'assassinat sur un parking, la scène en boîte de nuit, la scène Joe Pesci etc. Le choix même de Johnny Depp semble confirmer cette angle, comme pour vérifier que le mythe tient encore 20 ans après "Donnie Brasco".


Pour les touristes comme pour les locaux du genre, "Black Mass" offre assez de garanties pour un voyage (sanglant) réussi.

bilouaustria
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le 21 oct. 2015

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