Visionner Vertigo c'est s'enfoncer dans un rêve épais, labyrinthique et brumeux dont on ne sort jamais vraiment. C'est aussi plus pragmatiquement rester bouche-bée devant ce qui constitue sans doute l'accomplissement ultime de l'exercice du cadrage au cinéma, puisque j'ai personnellement rarement vu une succession de plans aussi rigoureusement millimétrés, sublimés par une photographie surréaliste, j'ai assisté à un film cinématographiquement irréprochable à mes yeux et ai pris une grosse claque visuelle et technique dans ma gueule de spectateur (A ce propos, la restauration du film est impeccable et le technicolor fait vraiment honneur à sa plastique grandiose).
Les acteurs sont beaux (et ça compte) Kim Novak et sa plastique envoûtante en tête de gondole bien sur, le rythme et l'ambiance suffocants m'ont scotché à mon siège tout au long des 2h du long-métrage, mais l'intérêt du film réside par dessus tout dans sa complexité narrative et ses multiples niveaux de lecture, dans sa portée mystico-psychologique faite de dualité, de figuration et de réalité altérée, dans cette plongée vertigineuse au cœur d'une tragique histoire de complot, de sentiments enfouis, de fantasmes et de névroses intérieures, des obsessions récurrentes chez le cinéaste qu'il catalyse toutes ici. Le film d'ailleurs, par sa lourde essence symbolique, peut se voir sous plusieurs angles différents dont certains à eux seuls justifieraient probablement un visionnage plus spécifique.
La musique obsédante de Bernard Herrmann - indissociable de l'ambiance du film quand on y repense - achève d'immortaliser une oeuvre fondatrice éternelle, un bijou de suspens dans un écrin d'émeraude et de rubis (je ne choisis pas ces pierres là par hasard...) qui quasiment 60 ans après sa sortie reste l'une des plus angoissantes énigmes que le Cinéma a pu offrir.


(Il faut quand même que je redise brièvement pour finir que la plupart des plans de Vertigo sont à se jeter d'un toit de beauté, des panoramas de San Francisco à la lumière naturelle aux scènes d'intérieurs à la composition baroque et aux couleurs éclatantes et contrastés, il n'y a rien à jeter c'est une merveille visuelle et une prouesse esthétique que je ne soupçonnais pas chez Hitchcock personnellement...)

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le 13 août 2016

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Sinbad

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