"Le faux va devenir le vrai, et le vrai le faux..."

Un sujet qui me donnait guère envie de m'y intéresser, mais après tout la vie de ce type (surtout sa triste fin) méritait peut-être un film.

Dommage que ce film soit un documentaire de plateforme, très télévisuel, avec tous les clichés du genre (le témoin qui s'apprête à pleurer lors de l'interview, la musique triste, et la musique omniprésente en général, le côté hagiographique etc.). Surtout que les tenants et aboutissants de sa fondation ne sont pas vraiment expliqués, moi ça pourrait m'intéresser de savoir ce que concrètement la fondation a apporté dans la recherche, ce que concrètement il y a eu comme améliorations dans la vie des gens, dans les nouveaux traitements etc. Mais le film ne l'aborde que très vite fait.

Tout en passant presque sous silence les énormes failles du système de santé américain, et le fait que les gens que Reeve a inspiré dans son combat ont certainement été moins bien traités que lui... Mais bon, pas trop de politique dans ce film montrant un homme qui mène un combat politique...

Franchement, autant le sujet est traité avec un respect relatif (quoique pas mal intrusif, quand même, je ne suis pas sûr que le couple Reeve aurait vraiment apprécié qu'on montre toutes ces images d'archives), autant la forme est assez détestable, voire parfois repoussante tant ça en fait des caisses. L'emballage rose bonbon à base de musique niaise, et de positivité toxique comme seuls les américains savent le faire, ça me gave. Un tel sujet pourrait être tragique, émouvant, et requiert un minimum de sobriété. Mais non, vas-y que je te fous les violons, et que je te fais des parallèles bien lourds entre Reeve et Superman, son personnage le plus connu... Était-ce bien nécessaire de foutre ces images en 3D moches représentant une sorte de statue de Superman étant infecté par la kryptonite, comme métaphore de la maladie de l'acteur ? On voit bien là le problème de ce genre de productions : on fout pas mal dollars dans un documentaire pour faire ce genre d'images (film qui, si on se limite aux témoignages et archives, ne devrait pas coûter plus qu'un documentaire dans la moyenne en France, et encore) pour faire de la 3D moche, histoire que le film puisse avoir une quelconque crédibilité pour être acheté par Warner, qui va évidemment bien le mettre en avant sur sa plateforme... Mais on a bien là une logique mercantile, donc... L'intérêt du film n'est pas sa qualité artistique, ni l'hommage rendu à l'acteur, mais bien que HBO puisse proposer ce programme à côté des films Superman de son catalogue...

Bon, j'arrive pas à trouver le budget du film sur le net, mais qu'on ne vienne pas me faire croire qu'on a rien injecté dedans... Tu ne fous pas des séquences coûteuses faites sur ordi dans ton film si tu n'en as pas les moyens... Et je ne suis pas sûr que le défilé de stars qui viennent témoigner soit gratuit non plus... Tous amis du couple qu'il aient étés...

Alors en soit c'est pas forcément un problème, tous les documentaires ont un budget, c'est parfaitement normal... Mais qu'on ne me fasse pas croire que c'est l'intention artistique qui régnait lors de la création du projet... Bref, tout cela et le traitement du sujet me semble plus que discutable, et franchement assez repoussant. Un film fait pour les plateformes (ou la télé) quoi. Larmoyant comme il faut, alors qu'encore une fois le sujet était intéressant. La fin de vie, c'est toujours quelque chose de très fort, ça fait réfléchir à sa propre mort... Et je suis très sensible au sujet. Mais là, c'est plus intéressant pour le fait en lui-même que par la façon dont c'est traité, encore une fois on en fait des caisses, comme dans n'importe quel docu bas de gamme sur la mort d'une célébrité. Je me souviens d'un docu sur Queen qui traite la mort de Mercury (sujet qui me touche et m'intéresse aussi) exactement de la même façon...

Bon j'ai raté au ciné cette année le film de Brisavoine, Maman déchire, qui a aussi l'air d'utiliser des images d'archives et où un enfant revient sur sa relation avec sa mère (procédé ici fait avec les interviews face cam des enfants de Reeve). Comme je ne l'ai pas vu, je ne vais pas juger de sa qualité, mais le précédent film de la réalisatrice, Pauline s'arrache, était très bon, montrait vraiment le quotidien de gens ordinaires, ce que c'est d'être une ado qui vit tant bien que mal dans une famille un peu barrée et dysfonctionnelle... Là on ne trichait pas avec nos sentiments, avec un montage sur fond de musique triste, sur des témoignages a posteriori un peu niais, qui forcément ont un recul qui va un peu fausser les émotions, ou en tous cas mettre les choses à distance. On montrait pour de vrai cette ado cracher sur ses parents dans leur dos, embrasser des garçons...

Bon, je ne pensais pas faire de cette critique un pamphlet quelconque, mais j'avoue que ça m'énerve de voir ce genre de films plébiscités, alors qu'ils ne sont que des reportages médiocres, qui traitent de façon beaucoup trop artificielle de leur sujet, ce qui m'empêche clairement d'être vraiment ému. Les faits relatés ont beau être authentiques, difficile d'être touché par tout cet enrobage sucré. Et c'est le genre de films médiocres qui dévalorisent auprès du grand public le documentaire, qui est une forme d'art extrêmement intéressante et forte. Le réel possède une force qu'aucun biopic ridicule ne pourra jamais avoir.

Je finirai sur une citation d'Alain Cavalier (un excellent documentariste depuis 96, au cas où, foncez voir La Rencontre ou Irène) dans son court métrage Faire la mort : "Un jour mon père est mort, et la nuit je suis descendu avec ma caméra, j'ai allumé et j'ai filmé son visage mort. Et puis après ma mère est morte aussi, je l'ai filmée. Et depuis ce temps-là, je considérerais mais d'un ridicule, d'une bêtise, de quelque chose de pratiquement anti-cinématographique de demander à quelqu'un de faire la mort ; comme demander à quelqu'un de faire l'amour, devant une caméra".