Compulsivité d'un voyage hédoniste pour remplir une vie fêlée

Avertissement :
Une telle critique n'a peut-être d'intérêt qu'après avoir vu le film, si vous la lisez avant il ne restera pas grand chose à découvrir donc somme toute assez peu de plaisir : sachez seulement avant d'aller le voir qu'il vaut mieux ne pas avoir vu la bande-annonce, que les acteurs sont plutôt bons, que la bo n'est pas marquante mais accompagne agréablement le film tout en étant complété par une voix abimée qui chantonne doucement, que c'est un film sur des personnes qui cherchent par cet éternel voyage à dévorer la vie, parfois jusqu'au non-sens ...


Je n'ai pas lu le livre et on m'avait dit que ce film serait une bouse totale, un film répétitif, sans substance qui passe à coté des enjeux majeurs du bouquin tout en étant odieusement complaisant dans l'évocation de la chair à la manière de films à petits budgets sur des chaines crasseuses de 2h à 4h du matin ...

On peut donc dire que j'ai été agréablement surpris.

C'est d'autant plus surprenant qu'il n'y avait pas forcement un cocktail attirant dans ce film : le pitch de départ semble basique, les personnages paraissaient caricaturaux et je ne suis pas un fan du road trip ...

Or ici je me suis retrouvé devant des acteurs qui sonnent justes avec des personnages qui derrière une apparente simplicité se révèlent avoir un peu de coffre, une narration bien foutue avec la lecture de petits extraits habilement choisis du livre en question de temps à autre, des scènes bien pensées malgré un occasionnel manque de finesse lors du traitement de certaines scènes de sexe qui semblent nécessaires mais qui auraient pu être un peu plus suggérées, un peu moins montrées, de très beaux plans durant leurs voyages ...

C'est donc dans un petit milieu intellectuel entre jeunes écrivains à New York que commence cette histoire, nous suivons Sal qui a fait une dépression après la mort de son père, vit seul avec sa mère et est en panne d'inspiration malgré son désir d'écrire un livre qu'il laisserait à la postérité. C'est alors qu'on lui présente Dean, un jeune voyou charismatique, débordant d'énergie foutraque et de délires jouissifs. Il est fasciné, comme un papillon devant une torche, ce qu'est exactement Dean pour lui : une flamme impétueuse en plein milieu de la nuit qu'est la vie monotone et sans saveurs.

Il le dit lui-même (de manière un peu trop insistante), il a une fascination pour ces personnes folles et pleines d'ardeur, qui brulent, brulent et brulent, l'obligeant à les suivre sur la route ...

Pour reprendre l'idée de la flamme, un des grands intérêts du film est justement la réaction et la transformation qu'elle provoque à la rencontre des gens et sur son passage : peut-on le condamner alors qu'il laisse derrière lui des cadavres de grands brulés, peut-on le haïr pour la fascination qu'il exerce sur ses suiveurs, existe-t-il d'autres moyens de profiter de la vie, d'avoir un équivalent à cette flamme, que doit-on comprendre face à cette flamme dont le carburant ce sont les nouveaux visages, les nouveaux lieux, les nouvelles femmes, qui a besoin d'un éternel changement, un éternel mouvement pour ne pas s'éteindre ...

D'un certains point de vue, on peut les voir comme d'éternels adolescents, les adolescents perdus qui savent que se sédentariser, s'arrêter, c'est se poser des contraintes, un fardeau, entrer dans une éternelle routine, ils préfèrent donc un éternel voyage.

Pourtant il y a des tentations, ces désirs de repères qui se voient chez Sal à travers les cycliques retours à New York (malgré le faits qu'il repartira à chaque fois, parfois de sa propre initiative) et à travers le désir d'une famille chez Dean (a recherche de son père, ses deux enfants, la légère envie qu'il montre lors du repas de Noël en demandant "Ça doit être bien d'avoir une famille, non ?").

Cette marche en avant continuelle qui commence à avoir un gout un peu surannée vers la fin du film, de déjà vu, donc justement à l'image de ce qui se passe chez Sal qui va finir par arrêter ses voyages, il aura le sentiment d'avoir réussi à se remplir l'esprit de joies, de découvertes, de rencontres (ce qui lui donne matière au livre). Le problème de Dean c'est que ces voyages qui lui sont nécessaires, ne font que remplir une coupe trouée, sa vasque ne sera jamais pleine et celui qui est une torche finit par se consumer lui-même et s'éteindre ...

Sur la route c'est donc un voyage, c'est surtout des rencontres qui ne sont pas étonnantes mais qui sont saisissantes, c'est un désir aussi, un désir qu'on aperçoit difficilement limité et qui part dans toutes les directions à la recherche finalement peut-être plus d'une solution, d'une réponse à la vie plutôt que comme un véritable hédonisme, bien qu'il en conserve facilement le vernis ...
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le 27 mai 2012

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