Ce deuxième visionnage s'est révélé plus convaincant que le premier, qui m'avait laissé le souvenir d'un bon film, sans plus, assez loin des plus belles réussites de Jacques Audiard.
En fait, "Sur mes lèvres" fait partie de ces films dont ma mémoire n'avait conservé qu'une impression très floue : je me rappelais des deux personnages principaux, et c'est à peu près tout. La redécouverte n'en fut que plus agréable…


Il faut dire que ces deux anti-héros cabossés et attachants font toute la force du troisième long-métrage d'Audiard : Carla la secrétaire sourde au physique ingrat, que la solitude rend obsédée par le regard des autres, et Paul le repris de justice rustaud mais débrouillard, attifé comme l'as de pique.
Le début du film est formidable, qui confronte habilement ces deux inadaptés sociaux, a priori insignifiants, jusqu'à nous apparaître progressivement attachants - notamment grâce aux prestations incroyablement intenses d'Emmanuelle Devos et Vincent Cassel.


La mise en scène d'Audiard se révèle souvent remarquable, trouvant la juste tonalité entre instants pathétiques et ironie mordante ("Je viens de Centrale" - "Mais la centrale de quoi?"), avec de belles idées de cinéma, à l'image de cette séquence où la lecture sur les lèvres sera apparentée à un véritable orgasme.
Bien plus tôt dans le film, il y a aussi cette scène dans laquelle Carla se retrouve seule avec un bébé ; vu l'instabilité psychique du personnage, on s'inquiète pour le nourrisson lorsque celui-ci se met à pleurer longuement. En fait, Carla se contente de retirer son appareil auditif pour échapper aux pleurs…


Je serai plus réservé sur le scénario co-signé par Tonino Benacquista (que ma mémoire avait donc escamoté, est-ce un signe?), qui se laisse suivre agréablement mais comporte nombre de facilités narratives, trop pour un cinéma "exigeant" comme celui d'Audiard.
L'histoire parallèle du contrôleur judiciaire pose également question, tant elle semble plaquée artificiellement au récit.


Quoi qu'il en soit, "Sur mes lèvres" reste un bien joli film, sorte de faux polar sentimental aux personnages touchants, qui devrait connaître bientôt une adaptation sous forme de série TV, près de vingt ans après sa sortie.

Créée

le 31 mars 2020

Critique lue 770 fois

14 j'aime

3 commentaires

Val_Cancun

Écrit par

Critique lue 770 fois

14
3

D'autres avis sur Sur mes lèvres

Sur mes lèvres
amarie
8

Critique de Sur mes lèvres par amarie

Je suis sourde ou malentendante, c'est comme vous voulez, mais ça ne veut pas dire que je suis bête, que vous avez le droit de m'ignorer, de vous moquer de moi, je mérite le respect ! Alors...

le 12 nov. 2013

34 j'aime

6

Sur mes lèvres
Truman-
8

Critique de Sur mes lèvres par Truman-

Jacques Audiard signe ici un polar froid ou l'on suivra une femme malentendante qui engagera pour l'aider dans ses taches de secrétariat un ancien détenu qui veut se réinsérer, une rencontre plus...

le 18 août 2013

24 j'aime

2

Sur mes lèvres
iori
9

Sourd mes lèvres

C’est fou comme ça fait du bien d’avoir un vrai film “vivant”. Emmanuelle Devos m’agace parfois, mais il faut bien reconnaitre qu’elle est convaincante dans le rôle de la secrétaire effacée et...

Par

le 1 mai 2013

24 j'aime

Du même critique

Baby Driver
Val_Cancun
4

L'impossible Monsieur Baby

Cette fois, plus de doute, le cinéma d'Edgar Wright, quelles que soient ses qualités objectives, n'est définitivement pas pour moi. D'ailleurs je le pressentais déjà fortement (seul "Hot Fuzz"...

le 20 juil. 2017

60 j'aime

15

Faites entrer l'accusé
Val_Cancun
9

Le nouveau détective

Le magazine haut de gamme des faits divers français, qui contrairement aux (nombreux) ersatz sur la TNT, propose toujours des enquêtes sérieuses, très documentées, sachant intriguer sans tomber dans...

le 2 avr. 2015

49 j'aime

11

Bullet Train
Val_Cancun
4

Compartiment tueurs

C'est le genre de film qui me file un méchant coup de vieux : c'est bruyant, bavard, ça se veut drôle et décalé mais perso ça m'a laissé complètement froid, tant les personnages apparaissent...

le 4 août 2022

46 j'aime

17