Il était une foi...
SUZANNE SIMONIN, LA RELIGIEUSE DE DENIS DIDEROT (Jacques Rivette, FRA, 1967, 135min) : 31 mars 1966, le couperet de la censure vient de tomber, Suzanne Simonin, La Religieuse de Denis Diderot, long...
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le 3 mai 2019
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Quand j'avais vu "La Religieuse" version Nicloux, cru 2013, les ressemblances avec "Camille Claudel 1915" de Dumont m'avaient frappé, les visionnages étant rapprochés. Rien de tout cela en regardant aujourd'hui la version de Jacques Rivette datant de 1967, marqué sur le plan historico-cinématographique par la censure et la polémique qu'il déclencha — choses totalement ahurissantes vues d'aujourd'hui, tant le film paraît doux et tout sauf violemment anticlérical. Cinq décennies sont passées par-là, je serais curieux de savoir comment on jugera les polémiques d'aujourd'hui en 2070...
Même s'il n'y a plus de surprise quant au contenu de la problématique, cette histoire d'enfermement et de foi vacillante reste malgré tout assez captivante. J'ai la sensation que Rivette est moins caricatural que Nicloux dans le traitement séquentiel des différentes mères supérieures qui m'avait assez dérangé. Ici, toujours la même chape morale et religieuse du XVIIIe siècle, le même semi-emprisonnement contre le gré de la jeune femme, et les mêmes relations avec trois autorités supérieures féminines — compassion / sadisme / saphisme.
Ici c'est un peu une étude de victime face à ses bourreaux, dans des gammes variées, et on appréciera le travail sur l'environnement, les décors, les ambiances. Moins la prise de son (mais peut-être qu'il existe de meilleures versions). Je suis assez partagé entre la rigidité de la dialectique et la pertinence du constat, porté sur les déchirements intérieurs de la protagoniste. Il faut dépasser le côté un peu manichéen ou en tous cas archétypal des principaux personnages secondaires, même s'ils ne servent que de miroir à la solitude et à la douleur de Anna Karina aka Suzanne Simonin. La redondance se fait un peu plus sentir ici, éventuellement, sur une telle durée de 2h20. J'aime bien comment le film parle davantage d'instrumentalisation de la religion que de religion elle-même, avec tout ce que cela suppose en termes d'hypocrisie et de coercition. L'intégrité et l'innocence qui se fracassent contre le mur de l'austérité archaïque, l'oppression prenant différentes formes mais interdisant toujours l'émancipation. Très bonne phrase de conclusion : "Et telle que serait la folie d'un homme qui, ne sachant ce que c'est que la navigation, se mettrait sur mer sans pilote, telle est la folie d'une créature qui embrasse la vie religieuse sans avoir la volonté de Dieu pour son guide".
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Créée
le 26 mars 2025
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SUZANNE SIMONIN, LA RELIGIEUSE DE DENIS DIDEROT (Jacques Rivette, FRA, 1967, 135min) : 31 mars 1966, le couperet de la censure vient de tomber, Suzanne Simonin, La Religieuse de Denis Diderot, long...
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le 3 mai 2019
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Après Paris nous appartient, film déroutant qui révélait déjà un grand auteur, Rivette tourne cette Religieuse, adaptée de Diderot, qui déclencha un immense scandale et les foudres de la censure à sa...
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le 12 juil. 2013
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Puisqu'il ne se veut pas l'adaptation exacte du livre de Diderot, ce film joue davantage sur la binarité des institutions religieuses, entre intégrisme et joie de vivre. Outre la critique de la...
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le 21 janv. 2012
4 j'aime
Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...
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le 20 juil. 2014
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le 10 janv. 2015
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Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...
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le 8 mars 2014
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